FAITS

Les statuts d’une SAS prévoyaient, comme fréquemment, l’exclusion d’un associé dans l’hypothèse ou il serait mis fin à son contrat de travail.

Postérieurement à son départ, une assemblée générale de la société a modifié les statuts et notamment les dispositions relatives aux modalités de transmission des droits sociaux en imposant à l’associé sortant un ajustement à la baisse du prix de cession.

L’exclusion est notifiée à l’associé postérieurement à son licenciement. Il conteste cette évaluation et saisit le président du tribunal de commerce en désignation d’un expert sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil.

Le Président du tribunal déclare que la nouvelle formule de détermination du prix de cession lui est inopposable et désigne un expert en charge de déterminer le prix de cession. L’appel est interjeté et juge la demande irrecevable au motif que le président a pu trancher une telle contestation.

L’arrêt est choqué d’un pourvoi qui prétend l’action recevable dans la mesure où le recours pour excès de pouvoir existe en semblable hypothèse.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu l'article 1843-4, II, du code civil :
Aux termes de ce texte, dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa. L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.
En présence d'une contestation portant sur la détermination des statuts applicables ou de la convention liant les parties, que l'expert est tenu d'appliquer en vertu du texte précité, le président du tribunal saisi sur le fondement de ce texte doit surseoir à statuer sur la demande de désignation de l'expert dans l'attente d'une décision du tribunal compétent, saisi à l'initiative de la partie la plus diligente.
Pour déclarer irrecevable l'appel-nullité formé contre l'ordonnance du président du tribunal ayant, d'une part, dit que les statuts modifiés par l'assemblée générale extraordinaire du 26 juillet 2018 n'étaient pas opposables à M. [S] pour l'évaluation du prix de rachat de ses actions, et, d'autre part, désigné un expert ayant pour mission de déterminer la valeur de ces actions, l'arrêt retient que ne constitue pas un excès de pouvoir le fait, pour le président du tribunal de commerce statuant sur le fondement du texte susvisé, d'estimer que sont inopposables à M. [S] les statuts ainsi modifiés.
En statuant ainsi, alors qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du président du tribunal, saisi sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, de trancher la contestation relative à la détermination des statuts applicables, la cour d'appel a violé ce texte. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

La décision du Président du tribunal de commerce statuant par application de l’article 1843-4 du code civil est insusceptible de recours….sauf pour excès de pouvoir.

Dans l’espèce le Président a statué sur la question de l’opposabilité ou non de la modification des statuts ce qui n’était pas dans son pouvoir. La censure de la Cour régulatrice est donc logique. La contrepartie de l’absence de recours est précisément que le juge doit se cantonner strictement à la demande.

L’article 1843-4 précité dispose que le juge statue dans le cadre de la « procédure accélérée au fond » nouvelle procédure remplaçant celle « en la forme des référés ». Il dispose également que cette décision est « sans recours possible ». Cassation commerciale 24 Juin 2014 – 13-24587 – Cassation commerciale 7 Juillet 2021 – 20-22048.

Les cours d’appel appliquent cette jurisprudence sans état d’âme CA BORDEAUX 19/10/2016 RG 15/00284.

Seul l’excès de pouvoir vient donc contrebalancer ce pouvoir du Président du tribunal. Celui ci étant qualifié comme la décision qui excède les attributions légales confiées au juge.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 7 juillet 2021, pourvoi n°19-23699, publié au bulletin, Bulletin d’actualité des greffiers n°155 septembre 2021 page 7.