FAITS


Une banque consent à deux époux trois prêts immobiliers destinés à l’acquisition d’un bien aux fins de location.
Les emprunteurs soutiennent que la banque a manqué à ses obligations de mise en garde ce que confirme l’arrêt de la cour d’appel de Bourges en date du 9 janvier 2020 contre lequel la banque se pourvoit en cassation.
La cour avait estimé que la banque aurait dû être alertée par des anomalies apparentes dans les documents remis qui faisaient apparaître une anomalie au regard du démarrage de l’opération et de l’incertitude affectant nécessairement une activité débutante.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION


« Après avoir estimé que les revenus escomptés de l'opération financée présentaient une anomalie manifeste et ne pouvaient dès lors être pris en considération pour apprécier la capacité financière des emprunteurs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter, a constaté qu'il existait un risque d'endettement excessif au jour de la souscription de chacun des prêts litigieux.
Abstraction faite du motif surabondant critiqué par la dernière branche, elle a ainsi légalement sa décision.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION


Il appartient donc à la banque, sur la base des documents qui lui sont remis, de vérifier leur fiabilité. C’est ce que nous dit la cour régulatrice. Rien de surprenant ni de choquant.
Quand la banque n’a pas de raison de nourrir quelque suspicion que ce soit elle n’est pas en faute: Cassation commerciale 23 septembre 2014 – 13-20874 (arrêt regroupant trois pourvois).
C’est bien le concept d’anomalies apparentes qui fait débat et qui est du pouvoir souverain des juges du fond. En son absence la banque n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client et pousser plus avant ses investigations: Cassation civile 1. 17 décembre 2009 – 08-12783 – 25 février 2010 – 08-70072 –
Il appartient au demandeur à l’action en responsabilité de prouver la disproportion de son engagement par rapport au financement: Cassation commerciale 13 mai 2014 – 13-13843 – Civile 1 4 juin 2014 – 13-10975 –
Le crédit doit être excessif donc fautif et l’emprunteur qui honore ses échéances durant trois années fait bien la preuve que le crédit n’est pas excessif. Le temps du remboursement est donc salvateur pour la banque: Cassation commerciale 16 septembre 2014 – 13-20093 –
La banque doit se placer au moment de l’octroi du crédit mais aussi prendre en compte la situation prévisible de l’emprunteur: Cassation commerciale 1 juillet 2020 – 18-21739 –
Rappelons à cet égard la jurisprudence de la chambre commerciale en ce qui concerne les prêts relais pour le moins favorable aux banques: Cassation commerciale 1 Juillet 2020 – 18-19139 – Cette jurisprudence nous en rappelle une autre qui concerne le prêt in fine que la cour de cassation qualifié «d’opération classique» Cassation commerciale 16 juin 2009 – 08-11618 – 13 avril 2010 – 08-21334 –
La présente décision est donc à conserver juste pour actualiser les références.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source: Cass. Première Chambre Civil, 20 avril 2022. Pourvoi n° 20-14215.