FAITS

Par acte notarié du 3 février 2003 une banque consent à M. C et Mme S époux séparés de biens engagés solidairement, un prêt de restructuration d’un montant de 245 000 € garanti par une hypothèque prise par la banque sur un immeuble acquis par les époux C sous le régime de l’indivision. Échéances impayées. Déchéance du terme prononcée le 29 juillet 2005.

M. C est déclaré en liquidation judiciaire par jugement en date du 19 octobre 2005 la banque déclare sa créance, à titre privilégié, le 25 octobre 2005 et est admise par ordonnance du juge commissaire en date du 11 janvier 2008.

Par une ordonnance en date du 17 juillet 2008 le juge commissaire autorise le liquidateur à poursuivre la licitation de l’immeuble, ordonnée par jugement définitif du 28 février 2012.

Le 1er Juillet 2015 Mme S assigne la banque pour qu’il soit constaté que le bénéfice de la prescription lui était acquis.

La cour d’appel de Paris le 22 janvier 2020 déclare l’action de la banque prescrite en son action à l’encontre de la dame S.

Pourvoi de la banque au motif que la déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire d’un débiteur interrompt le délai imparti au créancier pour agir à l’encontre d’un codébiteur solidaire jusqu’à la clôture de cette procédure.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu les articles 2244 et 2249 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et 1203 et 1206 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
Il résulte de ces textes que la déclaration de créance au passif du débiteur en liquidation judiciaire interrompt la prescription à l'égard de son codébiteur solidaire et que cet effet interruptif se prolonge jusqu'au jugement prononçant la clôture de la procédure.
Pour déclarer prescrite l'action dirigée par la banque contre Mme [S] au titre du prêt du 3 février 2003, l'arrêt retient que si cette action n'était pas prescrite lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le 19 juin suivant, date à laquelle, en vertu des dispositions transitoires de cette loi, le délai de prescription biennal s'est substitué au délai de prescription décennal qui l'excédait, il appartenait désormais à la banque d'agir dans ce délai biennal sans qu'elle ne puisse se prévaloir, à l'égard de Mme [S], des effets de la liquidation judiciaire ayant interrompu la prescription à l'égard de M. [C] jusqu'à sa clôture.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

De fait et de droit, la question qui était posée à la Cour régulatrice était celle de savoir si la substitution du délai biennal de l’ancien article L. 137-2 du code de la consommation au délai décennal applicable antérieurement à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 affectait ou pas la suspension du délai au bénéfice de la banque créancière.

La Cour de cassation répond sans ambiguïté dans un arrêt non publié tant la solution lui paraît s’imposer.

Cette solution sécurise ainsi les créanciers qui se trouvent être dans cette situation de chevauchement de textes applicables.

L’article 2245 du nouveau code civil règle la question en disposant « L’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, mêmes contre leurs héritiers…»

La jurisprudence ancienne Cassation commerciale 12 décembre 1995 – 94-12793 ; 26 septembre 2006 – 04-19751 et Civile 2. 24 juin 2004 Bull civile II 324 est donc pérenne.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 30 juin 2021, pourvoi n°20-14606, L’essentiel du droit bancaire n°9, octobre 2020, page 5.