FAITS


Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 26 novembre 2020), la société [K] et Moutte (la société) a souscrit un contrat d'ouverture de crédit en compte courant auprès de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes-Provence (la banque). Le 2 mai 2007, M. [K] s'est rendu caution de la société en faveur de la banque.
Par un jugement du 13 mars 2009, la société a été mise en redressement judiciaire. La banque a déclaré sa créance le 6 avril 2009, laquelle a été admise par une ordonnance du 5 février 2010. Un plan de redressement a été arrêté par le tribunal le 12 mars 2010. Le plan a été résolu et la société a été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013.
Le 23 décembre 2016, la banque a assigné M. [K] en exécution de son engagement de caution.
La cour d’appel de Grenoble déclare l’action de la banque prescrite au motif que celle ci avait avant le jugement de liquidation judiciaire retrouvé sa liberté d’action et donc d’assignation de la caution.
La banque se pourvoit en cassation au motif que l’interruption de prescription par la déclaration de créance dure jusqu’à la clôture de la procédure.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION


« Vu les articles 2241 et 2246 du code civil et l'article L. 631-20 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 :Il résulte des deux premiers textes que la déclaration de créance au passif du débiteur principal en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et que cet effet se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. Si, en vertu du troisième, la caution ne peut se prévaloir des dispositions du plan de redressement dont bénéficie, le cas échéant, le débiteur principal, cette disposition ne fait pas échec à l'interruption de la prescription à son égard jusqu'au constat de l'achèvement du plan, ou en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur principal, jusqu'à la clôture de cette procédure.
Pour déclarer prescrite l'action de la banque à l'égard de M. [K], l'arrêt retient qu'après l'arrêté du plan de redressement, aux termes de l'article L. 631-20 du code de commerce, l'action de la banque était à nouveau possible envers la caution personne physique, ce qui lui ouvrait un délai de cinq ans pour agir et que, la banque n'ayant poursuivi la caution qu'à compter de fin 2016, quand le plan de redressement était antérieur de plus de cinq ans, la demande était prescrite.
En statuant ainsi, alors qu'ayant retenu, sans être critiquée, que la prescription applicable en l'espèce était la prescription quinquennale prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, et constaté que la banque avait déclaré sa créance le 6 avril 2009, que le plan de redressement de la société, arrêté le 12 mars 2010, avait été résolu et que la société avait été mise en liquidation judiciaire le 11 octobre 2013, elle ne pouvait déclarer prescrite l'action introduite par la banque le 23 décembre 2016, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés, le troisième par fausse application.... »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION


La Cour de cassation rend ici une décision très favorable aux créanciers bénéficiaires d’une caution en garantie de leur créance. En effet si la déclaration de créance interrompt la prescription jusqu’à la clôture de la procédure il aurait pu être jugé que ce délai reprenait dès le jugement arrêtant le plan. L’arrêté du plan ne marque il pas la fin de la procédure? La jurisprudence précédente avait bien entériné le fait que l’effet interruptif se poursuit jusqu’à la clôture de la procédure: Cassation commerciale 23 octobre 2019 – 17-25656 – Dans notre affaire la Cour de cassation précise que cet effet interruptif se poursuit jusqu'à l’achèvement du plan ou en cas de conversion en liquidation jusqu’à la clôture de celle-ci.
L’effet interruptif se poursuit alors que le créancier recouvre son droit d’action!!!!
A suivre au niveau des cours d’appel....Lyon est la cour de renvoi.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source: Cass. Chambre Commerciale, 23 novembre 2022. Pourvoi n° 21-13386. Publié au bulletin. L‘EDED N° 1 JANVIER 2023 PAGE 3