FAITS

Ils sont relativement classiques dans leur aspect factuel et un peu moins dans leur aspect judiciaire.

Une banque consent des crédits à une société sous les cautions du couple dirigeant. La société défaille et la banque assigne lesdits cautions en paiement de leurs signatures.

En défense ceux ci invoquent la responsabilité de la banque pour avoir manqué à ses obligations d’information et de conseil dans l’octroi des crédits mais rien en ce qui concernerait un éventuel manquement à ses obligations de mise en garde des cautions elles mêmes.

La cour d’appel de Chambéry le 23 Novembre 2017 les déboute et ils se pourvoient en cassation en invoquant devant la Cour le double manquement de la banque à ses obligations vis à vis de l’emprunteur et des cautions.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Il ne résulte ni de l'arrêt, ni de leurs conclusions que M. et Mme B..., qui se sont bornés à rechercher la responsabilité de la banque pour avoir accordé à la société Avernet France des crédits fautifs, aient soutenu que la banque avait manqué à leur égard à des obligations d'information, de mise en garde ou de conseil.B..., qui se sont bornés à rechercher la responsabilité de la banque pour  Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, dès lors que les manquements invoqués par les deuxième, quatrième et cinquième branches constituent des fautes distinctes de celles invoquées devant la cour d'appel, n'est donc pas recevable

Dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme B..., s'ils faisaient valoir, pour retenir la responsabilité de la banque, que celle-ci avait consenti à la société Avernet France des crédits fautifs, soit parce que la situation de cette société était déjà irrémédiablement compromise au moment de leur octroi et que la banque ne pouvait l'ignorer, soit parce que les crédits accordés étaient ruineux, n'invoquaient pas, au préalable, l'existence d'une fraude ou d'une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou encore une prise de garanties disproportionnées, seuls cas dans lesquels l'article L. 650-1 du code de commerce permet à une caution d'engager la responsabilité d'un établissement de crédit du fait des concours consentis, lorsqu'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires a été ensuite ouverte, comme en l'espèce. Ils ne peuvent, dès lors, se borner à reprocher à la cour d'appel d'avoir écarté toute faute dans l'octroi des crédits à la société Avernet France, l'existence d'une telle faute, serait-elle établie, n'étant pas suffisante pour engager la responsabilité de la banque. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Nous savons que cet article L. 650-1 du code de commerce a fait couler beaucoup d’encre, mais comme le rappelle le commentateur de la revue désormais la messe est dite : il s’agit de causes de déchéances d’irresponsabilité du créancier.

La Cour de cassation après avoir jugé à maintes reprises que le demandeur devait en outre rapporter la preuve que le crédit était fautif : Cassation commerciale 27 Mars 2012 – 10-20077 – 19 juin 2012 – 11-18940 – 11 décembre 2012 – 11-25795 – 28 janvier 2014 – 12-26156 – a précisé sa position dans les cas de déchéance d’irresponsabilité : Le cumul de deux cautions et d’un nantissement ne suffit pas à faire preuve de la disproportion : Cassation commerciale 13 janvier 2015 – 13-25360.

Cet article s’applique bien évidemment principalement aux banques, mais pas exclusivement ; pour une application vis à vis d’un fournisseur qui se prenait pour un banquier voir Cassation commerciale 10 janvier 2018 – 16-10824.

Pourtant de façon assez surprenante la Cour régulatrice va nous dire que cet article ne concerne pas l’octroi d’une garantie financière de la loi n° 70-09 du 2 janvier 1970 : Cassation commerciale 24 mai 2018 – 16-26387.

Prendre l’initiative de modifier le montant du prêt accordé, solliciter de nouvelles garanties et octroyer un crédit manifestement hors de la possibilité de remboursement ne suffisent pas à caractériser la fraude au sens de l’article L 650-1 ; Cassation commerciale 13 décembre 2017 – 16-21498.

Dans notre espèce les cautions ont sans doute voulu s’appuyer sur un arrêt  de la chambre commerciale en date du 20 juin 2018 – 16-27693 – qui proposait un distinguo très subtil entre la recherche de l’impossible responsabilité de la banque sur le fondement de l’article L. 650-1 et la recherche sur le fondement du manquement à l’obligation de mise en garde qui elle serait permise.

Quoiqu’il en soit la caution devant la cour n’avait recherché que la responsabilité de la banque dans l’octroi du crédit et non dans la mise en jeu de sa responsabilité vis à vis de la caution.

La cour régulatrice écarte donc ce moyen.

Quant à la mise en jeu de la responsabilité de la banque dans l’octroi du crédit elle maintient sa jurisprudence et reproche aux cautions de ne pas voir préalablement démontré la faute de la banque dans l’un des trois cas énoncés à l’article L. 650-1 du code de commerce.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique chez Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 20 janvier 2021, pourvoi n°18-14767, L’essentiel du droit bancaire n°3, Mars 2021, page 7.

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