FAITS

Une banque conclut avec une société une convention d’affacturage en exécution de laquelle cette société lui transmet des créances sur la société X dont elle est sous-traitant. Le factor notifie lesdites créances à la société débitrice les 6 et 22 octobre 2015 alors qu’une autre société fait pratiquer une saisie attribution le 15 octobre puis le 24 novembre entre les mains de la société sur les sommes qu’elle doit à la société titulaire du contrat d’affacturage.

Cette société fait assigner le tiers saisi et le factor.

La cour d’appel de Versailles le 15 novembre 2018 juge que les cessions en cause sont des cessions Dailly, en tire les conséquences sur la date du transfert des créances et déboute la société créancière.

Reproche lui en est fait en prétendant que la cour aurait dû examiner les stipulations du contrat d’affacturage afin de déterminer les techniques de cessions qui avaient été convenues entre les parties.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Pour retenir que les créances objets de la saisie avaient été « cédées » à l'affactureur avant cette mesure, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que les notifications de cessions adressées par l'affactureur au débiteur visent les articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier et qu'elles comportent les seules mentions relatives aux cessions « Dailly », à l'exclusion de celles prévues par l'article R. 313-16 en cas de cession de créances en vertu d'un contrat d'affacturage. Il en déduit que cette référence implique que l'affactureur a notifié des cessions de créances Dailly, de sorte que l'acte de cession suffit par lui-même à établir le transfert de créances, qu'il y ait eu ou non-paiement de la créance par le cessionnaire au profit du cédant.
En se déterminant ainsi, sans examiner la convention d'affacturage, spécialement sans rechercher quelles en étaient les stipulations relatives aux modalités du transfert des créances à l'affactureur et si celui-ci n'acquérait pas les créances par voie de subrogation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

La haute Cour reproche à la cour d’appel de ne pas avoir analysé le contrat liant les parties (banque factor et client remettant) afin de déterminer précisément la technique de cession voulue par les parties.

La cour d’appel s’était fondée sur les termes de la notification qui faisaient référence à la loi Dailly pour décider que s’agissant d’une technique Dailly le transfert des créances s’était opéré dès la signature de l’acte de cession comme l’a récemment jugé la Cour de cassation le 9 décembre 2020 – 19-13014 – et le 22 Mars 2017 – 15-15361.

Sur cette question de la coexistence des deux techniques de cession Dailly et d’affacturage : voir CA Toulouse 4 novembre 2020 RG 19/00727.

Nous savons par ailleurs que la production des factures n’est pas une condition obligatoire en matière de cession Dailly : CA Cen  25 Avril 2019 RG 17/01569 alors qu’elle est dans l’ADN de l’affacturage.

Dans notre espèce la Cour de cassation vise l’ancien article 1134 du Code civil c’est dire qu’elle entend donner la primauté à la recherche de la véritable intention des parties au delà des mentions pouvant figurer dans tel ou tel acte – en l’espèce l’acte de notification -

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique chez Case Law Analytics

Source : CASSATION CHAMBRE COMMERCIALE, 20 JANVIER 2021, POURVOI N° 19-10493, L'essentiel du droit bancaire N° 3 MARS 2021 PAGE 4.

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