FAITS

Une société dénommée les jardins de Mazarine titulaire d’un compte dans les livres de la BNPP ainsi que son gérant ont recherché la responsabilité de celle ci  pour avoir payé plusieurs chèques tirés sur son compte et qui n’étaient pas signés par une personne habilitée.

La cour d’appel de DOUAI le 18 septembre 2014 déboute les demandeurs au motif essentiel que ces paiements n‘ont été rendus possible que par la faute exclusive du titulaire du compte.

Sur pourvoi des demandeurs la cour de cassation le 2 novembre 2016 – 15-12324 – censure les magistrats d’appel au motif que la preuve de la faute exclusive du titulaire du compte n’était pas rapportée.

Le renvoi est ordonné devant la cour d’appel d’Amiens qui le 26 Avril 2018 déboute les demandeurs au motif que le titulaire du compte n’a pas vérifié personnellement ses relevés de compte «ce qui lui aurait permis de constater rapidement une anomalie, prend un risque dont il doit répondre et qui peut être de nature à exonérer totalement la responsabilité du banquier.»

C’est dans cet état procédural que la cour de cassation pour la seconde fois est amenée à se prononcer sur ces faits et sur cette éventuelle responsabilité de la banque.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

«Après avoir relevé que la banque ne contestait pas, en son principe, la faute qu'elle avait commise en ne décelant pas que les chèques litigieux portaient une signature différente de celle du titulaire du compte, l'arrêt retient que M. [X] n'a formé opposition au paiement des chèques que quatre mois après leur remise au paiement alors qu'il recevait les relevés de compte mensuels, qu'il ne démontre pas avoir signalé à la banque que les chèques ne comportaient pas sa signature et n'explique pas comment M. [C], son associé au sein d'une autre société, avait pu disposer de trente-sept formules de chèques du compte de la société, tout comme de la carte bancaire et de son code. Il ajoute que M. [X], s'il a, en première instance, invoqué un oubli de son chéquier dans le bureau de son associé, il n'a pas expliqué les raisons pour lesquelles il se serait abstenu de le récupérer s'il ne s'agissait pas d'une remise volontaire. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que M. [X], gérant de la société Les Jardins de Mazarine, avait ainsi commis une négligence grave, qui constituait la cause exclusive des dommages invoqués, et en déduire que cette négligence était de nature à exonérer la banque de sa responsabilité.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Nous avons connu la cour régulatrice plus intransigeante en ce qui concerne les chèques apocryphes payés par les banquiers  et ce depuis l’arrêt fondateur «BRED / LES VOLANTES du début des années 1970 :  Cassation commerciale 7 juillet 2009 – 08-18251 – Cassation commerciale 12 juillet 2011 – 10-15833 – La faute du client doit avoir été exclusive et le juge doit la faire apparaître : Cassation commerciale 22 mai 2013 – 12-15672 – Cassation commerciale 12 Juillet 2017 – 16-13576 -  La responsabilité de la banque est moindre s’agissant de chèques falsifiés c’est à dire revêtus de la signature du titulaire du compte : Cassation commerciale 18 septembre 2012 – 11-21898 – la faute peut être partagée : Cassation civile 1. 20 Mars 2013 – 12-12805 –

Dans notre affaire c’est pour avoir été négligent dans la garde de ses chéquiers que les différentes cours ont estimé que la faute de la banque – reconnue par elle – a été absorbée par celles du titulaire du compte – retard dans l’opposition, ne pas avoir informé la banque que les signatures figurant sur les chèques n’étaient pas celles du titulaire.

Les visas sont ensemble les articles 1147 anciens et 1937 du code civil. Nous savons que le second fait le plus souvent « mouche » s’agissant des obligations très prégnantes du dépositaire.

Quoiqu’il en soit nous constatons que la cour régulatrice semble moins sévère à l’endroit des banques sur ce type de responsabilité au fil des années.

Il y aurait une réflexion plus globale à mener sur le concept de « négligence grave » qui concerne les paiements des chèques mais aussi ceux inhérents à la carte bancaire.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. chambre commerciale, 15 décembre 2021, pourvoi n°20-15107. L'essentiel du droit bancaire n°2, février 2022, page 3.