FAITS

Une société de crédit consent à un couple un prêt personnel correspondant à un regroupement de crédit d’un montant de 44 400 € remboursable en 144 échéances mensuelles au taux nominal de 9,09 %.

Impayés. Déchéance du terme. La société de crédit assigne les époux devant le tribunal d’instance de Lille afin de les entendre condamnés à lui payer la somme de 36 284,14 €.

Le tribunal après avoir relevé d’office le moyen tiré de la déchéance du prêteur du droit aux intérêts pour manquement à son obligation de vérification de la solvabilité des emprunteurs a condamné les époux à payer à la banque la somme de 12 893,20 € avec intérêts au taux légal.

La banque a interjeté appel de cette décision.

POSITION DE LA COUR D’APPEL

« Pour démontrer avoir satisfait à son obligation de consultation préalable du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, la société Créatis communique des documents qui comportent la mention "interrogation BDF", le motif et les dates de la consultation (12 septembre, 04 et 05 octobre 2012), l'identité des emprunteurs et "la clé BDF", mais ne mentionne pas le résultat de la consultation.

En effet, le document comporte une case "résultat" qui est cochée, mais cette indication ne permet pas de déduire le sens du résultat donné et est sujette à interprétation, tout comme l'absence de mention dans la case "FICP" située sous la mention "interrogation".

Le procès-verbal d'huissier produit, s'il décrit le process de consultation du fichier, n'apporte aucun élément d'information sur les mentions figurant sur le justificatif, ni sur le sens qu'il convient de donner à la case "résultat" quand elle est cochée.

En conséquence, les documents ne répondent pas aux exigences posées par les articles précités, la société Créatis ne rapportant pas la preuve qui lui incombe, conformément aux dispositions de l'article 311-9 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, qu'elle a dûment vérifié la solvabilité de l'emprunteur en consultant le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers lors de la conclusions du crédit numéro 000100000145783.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a estimé que le prêteur doit être totalement déchu de son droit aux intérêts contractuels, l'étendue de la déchéance ne faisant l'objet d'aucune contestation de sa part »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Cette décision est dans la droite ligne d’autres cours d’appel : Aix en Provence le 12 Mars 2020 RG 17/18716 et avant elle : CA Paris 9 juin 2011 RG 08/07297. Ces arrêts consacraient l’obligation pour la banque non seulement de consulter le fichier FICP préalablement à l’octroi du crédit en cause, mais de conserver la trace de ladite consultation et de son résultat, ce que n’avait pas fait la banque dans notre espèce. La sanction est donc de droit et consiste en la déchéance du droit aux intérêts ce que confirme la présente cour.

Nous savons que l’arrêté en date du 17 février 2020 en son article 13 permet aujourd’hui à la banque de se satisfaire de la preuve de la consultation et non plus de son résultat également. Cette modification a été consacrée par l’article L 312-16 du code de la consommation qui dispose :

«  Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier. »

Cette jurisprudence ne sera donc pas pérenne du moins pour tous les contrats conclus après l’entrée en vigueur de cet arrêté.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : CA Douai 1er avril 2021 RG 18/06435, L’essentiel du droit bancaire n°5, mai 2021, p.2

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