FAITS

Une banque finance une société à concurrence de la somme de 300 000 € garantie par les cautionnements par actes séparés de M. et Mme Q mariés sous le régime de la communauté légale pour respectivement 273 000 € et 117 000 €.

La société est admise en redressement judiciaire convertie en liquidation du même nom et la banque assigne les cautions en paiement qui lui opposent la disproportion de leurs engagements.

Elles sont déboutées en première instance et la cour d’appel de Rennes ( 2éme chambre) en date du 23 octobre 2020 juge les cautionnements disproportionnés en ces termes « Enfin, M. et Mme Q. ayant accepté chacun, par actes séparés, de s'engager à hauteur de montants différents, à savoir respectivement 273 000 euros et 117 000 euros, le total de leurs engagements ne saurait être fixé à la plus élevée de ces deux sommes, ainsi que le soutient la Société Générale, mais à leur montant cumulé soit 390 000 euros comme retenu à juste titre par le tribunal. »

La banque se pourvoit en cassation au motif essentiel que les actes ne devaient pas être cumulés et que seul le cautionnement le pus important devait être pris en compte pour l’appréciation de la disproportion.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« La cour d'appel a, d'abord, retenu à bon droit que la disproportion des engagements de cautions mariées sous le régime légal doit s'apprécier au regard de l'ensemble de leurs biens et revenus propres et communs.
C'est, ensuite, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et au vu des revenus des cautions, de leurs charges et de leur patrimoine qu'elle a estimé que les cautionnements souscrits étaient manifestement disproportionnés et que la banque ne rapportait pas la preuve qu'à la date où elles avaient été appelées en paiement, leur patrimoine leur permettait de faire face à leurs obligations.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

La question essentielle qui était posée à la cour régulatrice – et à laquelle elle ne répond pas véritablement – consiste à savoir en cas d’actes de caution signés par deux époux mariés sous le régime de la communauté légale si ceux ci devaient se cumuler ou au contraire ne fallait il prendre en compte que le plus élevé.

Nous percevons bien l’importance de ces deux démarches dans l’analyse d’une disproportion.

Dans notre affaire et dans le premier cas le montant à prendre en compte était de 273 000 € alors que dans la seconde démarche il est de 273 000 + 117 000 soit 390 000 €.

Pour la cour d’appel de Rennes il faut cumuler les actes – sous entendu dans la limite de la créance – Préalablement elle avait jugé que chacun des époux avait marqué accord à l’engagement de l’autre de sorte que la totalité du patrimoine était engagée. En cela elle s’autorisait d’une jurisprudence établie de la chambre commerciale  5 février 2013 – 11-18644 – la chambre civile juge à l’identique Cassation civile 1 ; 13 octobre 1999 – 96-19126- la question de savoir si les engagements doivent figurer dans le même acte est semble t’il réglée : Cassation civile 1. 9 mars 1999 – 97-12357 – 15 Mai 2002 – 00-13527 –

Cette problématique du cumul des actes de caution est bien connue des praticiens des suretés et notamment des banquiers.

Il est exact que le fait que les engagements aient été pris sur le même acte est un indice qui peut être pris en compte notamment pour déterminer si l’engagement de l’un a été la condition déterminante de l’engagement de l’autre. En ce sens voir Cassation commerciale 5 février 2013 – 11-18644 -

En l’espèce le fait que les montants ne soient pas identiques milite en faveur du cumul des engagements sinon à quoi bon prendre des engagements différents si ce n’est pour couvrir la totalité de l’obligation principale? Dans cette hypothèse c’est bien le cumul qui doit présider à l’analyse comme la jugé la cour d’appel de Rennes en relevant que les montants étaient différents.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source : Cass. Première chambre civile, 2 février 2022, pourvoi n°20-22938. L'essentiel du droit bancaire n°3, mars 2022, page 5.