FAITS


Un couple emprunte auprès de sa banque pour financer un achat immobilier. La banque découvrant que les informations communiquées au moment du montage du dossier étaient erronées fait jouer la clause d’exigibilité anticipée prévue au contrat, fait délivrer un commandement de payer qui reste infructueux et inscrit l’incident de paiement au FICP.
Les époux contestent cette inscription et procédure devant le JEX qui les déboute de même que la cour d’appel de Rouen le 10 décembre 2020.
Ils se pourvoient en cassation au motif que les faits invoqués par la banque n’étaient pas démontrés et que l’inscription au FICP ne pouvait prospérer dans la mesure ou la déchéance du terme provenait de soi-disant fausses déclarations.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION


«Après avoir relevé qu'à la suite de la déchéance du terme prononcée en raison de la communication par les emprunteurs de renseignements inexacts au moment de la souscription du prêt, ceux-ci étaient redevables de la somme de 273 946,48 euros devenue intégralement exigible le 21 juin 2016 et n'avaient pas payé cette somme, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que ce prêt avait fait l'objet d'un incident de paiement caractérisé, justifiant son refus de procéder à la mainlevée de l'inscription des emprunteurs au FICP.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

La décision est sévère mais justifiée.
Elle est sévère car le bénéfice du terme dont bénéficie chaque emprunteur est la seule clause lui permettant de ne rembourser sa dette qu’à terme. Donc les cas dans lesquels cette clause peut permettre à la banque de mettre en mouvement l’exigibilité immédiate donc la déchéance du terme doivent être prévus contractuellement et strictement.
Sur la nécessaire mise en demeure voir Cassation civile 1. 17 février 2021 – 19-21615 – Cassation civile 1. 22 juin 2017 – 16-18418 -Cassation civile 1 3 juin 2015 – 14-15655 - Sur la mise en demeure «si bon semble» voir Cassation civile 1. 12 septembre 2018 – 17-14991 –

Elle est pourtant justifiée car la banque est en droit d’apporter au déclaratif des clients toute la force et la véracité qu’il doit comporter. La banque ne s’engage que sur ces considérations et preuves. La jurisprudence sur l’importance du « déclaratif » qu’il soit en matière de caution, de renseignements pour l’obtention d’un crédit est stable et peut être résumée en ces termes: Sauf anomalie apparente, la banque n’a pas à vérifier les informations communiquées par les emprunteurs. C’est dire la confiance qu’à priori la banque fait au déclaratif.

Quant à l’article 4 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au FICP on peut y lire:«....Définition des incidents de paiement.
Constituent des incidents de paiement caractérisés pour l'application du présent arrêté :
1° Pour un même crédit comportant des échéances, les défauts de paiement atteignant un montant cumulé au moins égal :
i) Pour les crédits remboursables mensuellement, à la somme du montant des deux dernières échéances dues ;
ii) Pour les crédits qui ont des échéances autres que mensuelles, à l'équivalent d'une échéance, lorsque ce montant demeure impayé pendant plus de 60 jours ;
2° Pour un même crédit ne comportant pas d'échéance, le défaut de paiement des sommes exigibles plus de 60 jours après la date de mise en demeure du débiteur, notifiée de manière formelle, d'avoir à régulariser sa situation, dès lors que le montant des sommes impayées est au moins égal à 500 euros ;
3° Pour tous les types de crédit, les défauts de paiement pour lesquels l'établissement ou l'organisme mentionné à l'article 1er engage une procédure judiciaire ou prononce la déchéance du terme après mise en demeure du débiteur restée sans effet. Les établissements et organismes mentionnés à l'article 1er peuvent ne pas inscrire les retards de paiement d'un montant inférieur à 150 euros pour lesquels la déchéance du terme n'a pas été prononcée.»
Dans le cas d’espèce c’est bien par le biais d’une mise en demeure suite d’une déchéance du terme que la banque a agi judiciairement.
L’originalité tient au fait que la déchéance du terme initiale ne provient pas d’impayé au sens comptable du terme mais d’informations erronées.
Pour la cour régulatrice il s’agit bien d’un incident de paiement caractérisé. Le message est clair pour tous les emprunteurs indélicats.
C’est à notre connaissance une première et la publication tient à ce cas d’espèce.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source: Cass. Première Chambre Civile, 25 mai 2022. Pourvoi n° 21-14713, publié au bulletin. LEDB N° 7 JUILLET 2022 PAGE 2