FAITS

Ils sont banaux. Une société ouvre un compte chez une banque qui prévoyait la mise à disposition d’une carte à débit immédiat et diverses prestations pour un plafond de paiement à concurrence de la somme de 3000 € glissant sur 30 jours porté par la suite à 8000 €.

Le compte fonctionne anormalement à découvert et la banque met en demeure la société à plusieurs reprises de régulariser sa situation ce qu’elle ne fait pas.

La banque dénonce la convention de compte sans préavis ce que lui reproche la société cliente.

La banque assigne la société devant le tribunal d’instance d’Arras qui la condamne à rembourser le montant du compte débiteur et la déboute de sa demande reconventionnelle qui consistait en une demande indemnitaire pour non-respect du délai de préavis.

La cliente interjette appel sur le même motif de non-respect du délai de préavis.

POSITION DE LA COUR D’APPEL

« Si la banque a procédé à la clôture du compte en-deçà du délai de 60 jours fixés et dans des conditions qui ne sont pas expressément prévues par les dispositions précitées, alors que le compte présentait une position débitrice proscrite depuis moins de trois mois, force est de constater que Mme D. ne précise pas le préjudice lié à cette résiliation prématurée, soit en rapportant la preuve qu'elle aurait été en mesure de régler le solde débiteur dans le délai imparti, soit qu'elle s'est trouvée privée de tout compte bancaire.

Dès lors, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a rejeté l'action de Mme D. dirigée contre la caisse de crédit Mutuel d'Arras, faute de lien entre la faute et un quelconque préjudice.

Ainsi qu'il a été constaté par le premier juge, Mme D. ne conteste pas le caractère débiteur du solde de son compte courant alors que les conventions produites ne mentionne aucune autorisation de découvert.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme D. à payer à la caisse de crédit Mutuel d'Arras la somme de 10 207,07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2018.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Le couperet n’est pas passé loin. La faute paraissait évidente aux magistrats de Douai mais le préjudice n’était pas prouvé. Dont acte mais la décision aurait pu basculer dans l’autre sens assez facilement.

On a du mal à comprendre le fondement de la demande de la cliente à savoir l’article L. 312-1 du code monétaire et financier qui traite du droit au compte qui à l’évidence ne s’appliquait en semblable situation. Quoiqu’il en soit la cour le reprend à son compte. Sur cette question voir : CA Aix en Provence 10 Octobre 2019 RG 17/ 05230  et Cassation Commerciale 30 Juin 2021 – 19-14313 – la non invocation de la convention de compte laisse aussi un peu perplexe.

Pour autant il est surprenant que la requérante n’ait pas été en mesure de prouver que des rejets ont dû lui causer préjudice et qu’elle a dû, avec peine surement, chercher une autre banque jamais très encline a prendre la place d’un confrère qui a dénoncé ses relations. Tout cela peut se quantifier même grossièrement de façon à permettre au juge d’entrer en voie de condamnation en évaluant souvent forfaitairement le préjudice.

La société a dû penser que la seule preuve de la faute suffirait. Elle s’est trompée.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : CA Douai 17 juin 2021, n° RG 20/00101, L’essentiel du droit bancaire n°8 septembre 2021 p. 2

Crédit photo : Damien Langlais CC BY-SA 4.0