FAITS

Une banque consent une ouverture de crédit à une société, garanti par les cautionnements solidaires de M. B et M. M.

La société est mise en redressement judiciaire et bénéficie d’un plan de redressement. Le plan ayant été résolu la banque fait délivrer aux cautions un commandement de payer  aux fins de saisie vente en dates des 27 et 28 janvier 2015.

Les cautions ont assigné la banque devant le JEX en annulation des commandements de payer en soutenant que leurs engagements de caution étaient manifestement disproportionnés et ladite banque leur a opposé la prescription de leur action.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« La contestation opposée par une caution, sur le fondement de la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, à une mesure d'exécution forcée engagée par le créancier échappe à la prescription.
Pour dire MM. B... et M... irrecevables en leur « action », l'arrêt, après avoir énoncé que la prescription applicable était celle prévue par l'article L. 110-4 du code de commerce, retient que le délai quinquennal de « l'action » dont les cautions disposaient pour contester l'acte fondant les poursuites à leur encontre a commencé à courir à compter du 9 octobre 2009, date de conclusion du cautionnement, MM. B... et M... ayant, dès la signature de l'acte, toutes les informations leur permettant de contester la portée ou la validité de leurs engagements. Il ajoute qu'il importe peu que l'instance ait été introduite par les cautions en réponse à un acte d'exécution, dès lors qu'elles ont agi par voie principale pour contester l'acte fondant les poursuites.
En statuant ainsi, alors que, tendant à contester la possibilité pour la banque de se prévaloir du titre exécutoire notarié fondant ses poursuites, le moyen tiré de la disproportion manifeste de l'engagement des cautions à leurs biens et revenus, que celles-ci invoquaient pour s'opposer à la saisie-vente, échappait à la prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

A lire l’arrêt, le principe de proportionnalité échappe à toute prescription. La Cour de cassation relève d’office le moyen tiré de l’article L. 341-4 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016  puisque le moyen invoqué par les cautions invoquait seulement une violation de l’article L. 332-1 du code de la consommation et de l’article L. 110-4 du code de commerce.

Nous savons que le JEX est compétent pour statuer sur cet argument : Cassation civile 2. 14 janvier 2021 – 19-18844. Nous savons aussi que le principe de proportionnalité est une défense au fond : Cassation commerciale 4 juillet 2018 – 17-14805 – imprescriptible : Cassation Civile 1. 31 janvier 2018 – 16-24092.

Le même jour la même chambre juge à l’identique dans une affaire consanguine : Cassation commerciale 8 Avril 2021 – 19-12741. Dans ce dernier arrêt la Cour régulatrice fait partir le délai de prescription au jour du commandement de payer comme étant l’acte permettant de juger de ladite disproportion. Elle le juge en des termes dépourvus d’ambiguïté : « En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que seul le commandement aux fins de saisie-vente délivré en janvier 2015 avait permis, à défaut d'un acte antérieur de mise en demeure ou d'exécution non mentionné par l'arrêt, à Mme R... de savoir que son engagement de caution allait être mis à exécution, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » L’absence de mise en demeure de la caution laisse sans voix…

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 8 avril 2021, pourvoi n°19-13424, L’essentiel du droit bancaire n°6, juin 2021, p.6

Photo by Lucas Santos on Unsplash