FAITS

Par acte notarié, deux associés d’une SCI emprunteuse se portent caution solidaire de celle-ci dans la limite de la somme de 253 500 € chacun pour un prêt de 195 000 € destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier.

La SCI étant défaillante la banque assigne les cautions en paiement du solde du prêt puis fait vendre le bien.

Les cautions ont invoqué la disproportion devant le TGI de Grenoble qui le 16 janvier 2017 les déboute et les condamne à payer à la banque la somme de 157726 € outre les intérêts.

Les cautions interjettent appel et la cour, sur l’engagement de caution de Mme, juge que celle-ci n’était propriétaire que de la moitié d’un bien immobilier évalué à 165 409 € soit un patrimoine évalué à 82704 (la moitié) et juge l’acte disproportionné.

En ce qui concerne l’engagement de caution de Mr, la cour juge que cette personne avait le même jour signé un autre engagement de caution pour 130 000 € et additionne donc les deux actes pour un total de 383 000 €.

En ce qui concerne les liquidités de cette caution (154 436 €) la cour juge que puisqu’ils ont été investis dans l’acquisition du fonds de commerce on ne peut en tenir compte et par voie de conséquence juge que l’acte de caution est disproportionné.

La banque se pourvoit en cassation tant l’analyse de la cour était erronée.

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POSITION DE LA COUR DE CASSATION

Sur la caution de Madame

« Pour retenir que le cautionnement souscrit par Mme [J] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus et rejeter les demandes de la banque, l'arrêt relève que Mme [J] a reçu de son père un bien immobilier, qu'à son décès en 2003, les droits immobiliers que le donateur détenait ont été évalués à la somme de 165 409 euros dont la moitié était revenue à Mme [J].
En se déterminant ainsi, sans s'expliquer ainsi qu'elle y était invitée par la banque, sur la vente à laquelle Mme [J] aurait procédé en 2008 avec son frère de deux parcelles de terrain pour la somme globale de 350 000 euros, dont elle aurait perçu la moitié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur la caution de Monsieur

« Pour retenir que le cautionnement souscrit par M. [Z] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus et rejeter les demandes de la banque, l'arrêt relève que les avoirs bancaires qu'il détenait au mois de juin 2006 à hauteur de 154 436 euros ont été partiellement investis dans l'acquisition d'un fonds de commerce pour la somme de 150 000 euros puisque le prêt consenti à cette fin par la banque s'élève à 100 000 euros et que, le 1er septembre 2006, il ne disposait plus de liquidités au titre d'une assurance sur la vie.
En statuant ainsi, sans tenir compte pour l'appréciation de la disproportion litigieuse des informations données à la banque par la caution concernant le solde des liquidités conservées à l'issue de cette acquisition, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Pour retenir que le cautionnement souscrit par M. [Z] était manifestement disproportionné, l'arrêt relève encore que rien ne permet de considérer qu'à la date du 1er septembre 2006, il détenait un patrimoine immobilier.
En statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, les cautions soutenaient qu'elles ne bénéficiaient pas de revenus fonciers importants et que M. [Z] déclarait avoir hérité, lors du décès de sa mère, d'un appartement en indivision avec ses cousins pour lequel il ne percevait que 1 000 euros par an, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé. »

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MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Plusieurs choses dans cette décision de la Cour de cassation.

Tout d’abord il convient de noter que les actes de caution avaient été recueillis dans un acte notarié en même temps que le prêt souscrit chez la banque.

La haute cour n’y fait pas référence ni la banque dans ses moyens mais nous pouvons quand même remarquer que la forme notariée d’un acte de caution ne protège pas de cet argument de disproportion.

Ensuite la cour reproche à la cour d’appel de Grenoble de ne pas avoir tenu compte des liquidités restant après l’investissement dans le fonds de commerce. Dont acte.

Nous aurions apprécié que la Cour régulatrice note que les liquidités investies dans ce projet devaient être prises en compte dans l’appréciation de la disproportion comme le juge la jurisprudence en cette matière : En matière de parts sociales : voir cassation commerciale 26 janvier 2016 – 13-28378.

Pour le reste la haute Cour reproche à la cour d’appel d’avoir été un peu vite dans l’appréciation des différents patrimoines et notamment de ceux immobiliers ayant été vendus pour une somme non négligeable de 350 000 € dont la moitié revenait à la caution.

Quant au patrimoine immobilier de Mr les revenus de l’indivision auraient dû inciter la cour a retenir qu’une indivision immobilière devait se cacher derrière ces revenus mêmes modestes.

Rappelons que la banque n’a pas, sauf anomalie flagrante, à vérifier les informations fournies par la caution, comme souvent en matière déclarative.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Civ. 1ère 19 mai 2021, pourvoi n°19-22866, L’essentiel du droit bancaire n°7, juillet 2021 p.6