FAITS

La caisse d’épargne Bretagne Pays de Loire a consenti à une société une ouverture de crédit d’un montant d’un million d’euros. A l’occasion d’un avenant à cette convention, Mme D s’est rendue caution des engagements de la société pour la somme de 130 000 € et pour une durée de trente six mois.

Liquidation judiciaire de la société et assignation en paiement de la caution qui invoque en première instance et en appel et vainement la disproportion de son engagement au motif que le bien immobilier qui constituait une partie de son actif avait une clause d’inaliénabilité et que par voie de conséquence il ne devait pas être pris en compte dans l’analyse de la composition de l’actif.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« D'une part, après avoir relevé qu'au jour de la conclusion de son engagement de caution, Mme [D] détenait 16,12 % de la nue-propriété d'un immeuble, évalués 159 265,60 euros, selon un acte de donation-partage contenant une clause d'interdiction d'aliéner et d'hypothéquer les droits immobiliers de la donataire toute la vie durant de la donatrice, l'arrêt retient exactement que cette clause n'affecte en rien la valeur des droits ainsi transmis à la donataire, et en déduit souverainement que la caution disposait donc d'un patrimoine suffisant pour répondre de son engagement, quand bien même ce capital n'était pas immédiatement disponible.
D'autre part, ayant retenu que, du seul fait de l'importance de sa donation, Mme [D] pouvait faire face à son engagement, la cour d'appel n'avait pas à faire la recherche sollicitée par le grief de la seconde branche.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Cette décision de la cour de cassation nous rappelle dans une certaine mesure celle en date du 17 octobre 2018 – 17-21857 – qui demandait que l’on tienne compte des biens même déclarés exclus des procédures d’exécution forcée entre la banque et la garantie OSEO.

La question qui fait sens est la suivante : le bien compose t’il l’actif de la caution ? Si la réponse est affirmative alors le bien doit être intégré dans l’actif, même si diverses figures juridiques en restreignent la disponibilité ou l’usage ( ainsi en est il d’une donation avec une clause d’interdiction d’hypothéquer et d’aliéner). C’est le message que nous passe la haute cour dans cette décision.

Il n’y a donc pas de corrélation entre l’assiette du gage et celle de la proportionnalité. Nous le savions mais cette décision l’indique très clairement sur une figure juridique (donation avec une clause d’inaliénabilité) relativement fréquente.

Ainsi en serait il de même en cas d’inaliénabilité déclarée et publiées dans le cadre d’activités commerciales.

Puisque l’entrepreneur individuel bénéficie désormais d’un statut protecteur (loi n° 2022-172 du 14 février 2022 ) comment le juge va t’il appréhender les différents actif ; ceux réservés légalement à l’activité professionnelle et ceux destinés à l’activité domestique ?

Pourra t’il les prendre tous les deux ou au contraire devra t’il ne prendre en compte que ceux réservés à un type d’activité et dans l’affirmative à quel type d’activité ?

Les juges devront répondre à toutes ces questions et vraisemblablement sous l’empire des nouveaux textes qui organisent une sanction différente puisque le créancier ne sera plus sanctionné par une impossibilité de se prévaloir de ladite caution mais simplement par une réduction prononcée par le juge. Ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 nouvel article 2300 du code civil.

Autre figure juridique qui interroge dans cette situation ce sont les biens affectés en fiducie à un autre patrimoine. Faut il les prendre en compte ? Dans l’affirmative en fonction de quelle clause figurant dans le contrat de fiducie ?

Le contentieux de la disproportion a encore de beaux jours devant lui.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source : Cass. Chambre commerciale, 19 janvier 2022, pourvoi n°20-18695. L'essentiel du droit bancaire n°3, mars 2022, page 6.