FAITS

Un maitre d’ouvrage conclut un contrat avec une entreprise et lui verse un acompte. Celle ci apporte sur le chantier une foreuse hydraulique pour effectuer ses travaux. Ceux ci ne sont pas exécutés et l’entreprise est mise en liquidation judiciaire. Le maître d’ouvrage demande la restitution de son acompte à l’entreprise et exerce une rétention sur la foreuse dont l’entreprise était crédit preneur.

Cette rétention est contestée et la cour d’appel de Montpellier le 20 novembre 2018 admet sa régularité en constatant un lien de connexité juridique entre la créance garantie et la détention qu’elle juge opposable au crédit bailleur propriétaire.

La banque crédit bailleuse se pourvoit en cassation en contestant ce lien de connexité.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Centrale solaire exerçait son droit de rétention sur la foreuse hydraulique pour garantir le remboursement de l'acompte versé à la société SDF en contrepartie de la réalisation de travaux non exécutés, cette créance étant certaine, liquide et exigible, et retenu que la foreuse avait été placée sur le terrain de la société Centrale solaire par la société SDF en vue de la réalisation du chantier inexécuté puis abandonnée sur les lieux après la résiliation du contrat, la cour d'appel, qui a fait ainsi ressortir que la créance impayée dont se prévalait la société Centrale solaire résultait du contrat qui l'obligeait à restituer la foreuse à son cocontractant, en a exactement déduit qu'elle était fondée à opposer son droit de rétention à la société Natixis Lease, propriétaire de cette chose.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

« Le droit de rétention est la conséquence de sa détention… » nous avait dit la chambre commerciale de la Cour de cassation le 11 juillet 2000 – 97-12374.

La formule désormais consacrée en la matière est rappelée par différents arrêts : « Attendu que le droit de rétention est un droit réel, opposable à tous, y compris aux tiers non tenus à la dette, et peut être exercé pour toute créance qui a pris naissance à l'occasion de la chose retenue » Cassation civile 1. 20 décembre 2017 – 16-24029 – pour un gage espèces voir Cassation commerciale 7 novembre 2018 – 16-25860.

Le lien doit être évident ; pour un refus d’étendre le droit de rétention sur des documents concernant des véhicules, aux véhicules eux mêmes voir : Cassation commerciale 23 avril 2013 – 12-13690.

Dans notre espèce, au visa de l’article 2286 du code civil qui fondait le moyen du pourvoi, la Cour de cassation nous dit que le maître d’ouvrage dispose d’un tel droit de rétention au motif que « …la créance impayée dont il se prévalait résultait du contrat qui l’obligeait à restituer la foreuse à son cocontractant… ».

Nous doutons que le contrat qui liait les parties permette d’accepter une telle connexité. La détention de la foreuse est trop éloignée de l’objet du contrat qui liait les parties et qui était un contrat d’entreprise classique.

Autant dire que les banques finançant par crédit bail de ce type de machines devront se prémunir d’un tel risque de rétention. L’arrêt est publié.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 17 février 2021, pourvoir n°19-11132, publié au bulletin, L’essentiel du droit bancaire n°4, avril 2021, page 4.

Crédit photo : Éric Messel, CC BY-SA 4.0