FAITS

Une personne se porte caution au profit d’une banque en garantie d’un prêt destiné à financer l’acquisition d’un fonds de commerce. La société ayant été mise en redressement puis en liquidation judiciaire la banque a assigné la caution qui lui a reproché d’avoir manqué à son devoir de mise en garde.

La cour d’appel de Montpellier le 7 mai 2019 rendu sur renvoi après cassation en date du 8 mars 2017 – 15-23532 – a limité la réparation du préjudice par la caution à la somme de 10 000 € ce que conteste ladite caution dans son pourvoi reprochant à la cour entre autre d’avoir pris en compte des éléments du patrimoine de la caution pour dire que la perte de chance était faible.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

«Le préjudice consécutif au manquement d'un établissement de crédit à son devoir de mise en garde à l'égard d'une caution consiste dans la perte de la chance d'éviter, en ne se rendant pas caution, le risque qu'on lui demande de payer la dette garantie. C'est donc à bon droit qu'après avoir énoncé que le préjudice dû à un manquement du banquier à son devoir de mise en garde s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter et qu'il lui incombait donc d'apprécier la probabilité que M. [P] renonce à cautionner le prêt souscrit par son épouse si la banque avait satisfait à son devoir de mise en garde, la cour d'appel, après avoir soigneusement analysé les éléments alors connus de la banque, a estimé que les informations qui auraient pu être communiquées à M. [P] étaient encourageantes, car fondées sur une exploitation passée saine, des résultats comptables réels justifiant un prévisionnel sérieux et raisonnable, permettant à la fois le service du prêt et le dégagement d'une marge dès le départ viable, cependant que le dossier révélait un couple jouissant d'une situation matérielle confortable, avec la volonté pour l'épouse, ayant de bonnes bases de gestion et par ailleurs excellente cuisinière, d'embrasser une activité commerciale au sein d'un restaurant doté d'un fort potentiel d'activité, ce dont elle a déduit qu'il était peu probable que ce projet n'ait pas reçu l'assentiment de l'époux, concrétisé financièrement par l'acceptation de la caution, de sorte que la perte de chance pour M. [P] de ne pas contracter était minime.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Voilà qui est dit (ou écrit). Le risque réside « ... dans la perte de la chance d'éviter, en ne se rendant pas caution, le risque qu'on lui demande de payer la dette garantie ».

Mémorisons bien cette motivation que nous ne retrouverons pas de sitôt du moins en ce domaine puisque la réforme du droit des suretés et notamment du cautionnement en créant une obligation spécifique de mise en garde dont bénéficie la caution dont l’acte est postérieur au 1 janvier 2022 a modifié l’indemnisation qui ne consistera plus en l’analyse d’une perte de chance mais en la réduction à hauteur du préjudice subi par elle.

La cour d’appel a parfaitement fait ressortir que les informations dont disposait la banque et qu’elle aurait répercutées à la caution auraient convaincu celle ci de la viabilité de l’opération envisagée.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 8 septembre 2021, pourvoi n°19-2049, L’essentiel du droit bancaire n°10, novembre 2021, page 5.