FAITS

Une société exploite une activité de commercialisation en matière de courtage en crédits et assurances de prêts.

Elle a développé un réseau de franchise permettant aux franchisés d’exploiter une agence sous sa marque.

Une personne fait acte de candidature pour devenir courtier et signe avec cette société un contrat de franchise d’une durée de cinq ans moyennant un droit d’entrée de 69 000 €, une redevance annuelle sur le chiffre d’affaires de 12 000 € minimum et une redevance publicité de 2 400 € annuelle.

L’ORIAS informe cette personne du rejet de sa demande d’inscription dans la catégorie des courtiers en opérations de banque et en service de paiement.

La récipiendaire réclame à la société le remboursement de son droit d’entrée. Elle l’assigne devant le tribunal de commerce aux fins de caducité et de nullité du contrat de franchise.

Le tribunal de commerce de Grenoble condamne la société à rembourser à la postulante la somme de 69 000 € au titre du droit d’entrée mais condamne la demanderesse à payer à la société la somme de 15 000 € au titre des remboursements pour les frais engagés par ladite société, ordonne la compensation entre les sommes et déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du CPC. La demanderesse est condamnée aux dépens.

La société interjette appel.

POSITION DE LA COUR D’APPEL

Sur la nullité du contrat

« …En vertu de son article II, le contrat de franchise a pour objet de permettre l’exploitation par le franchisé d’une agence sous la marque «VOUSFINANCER.COM» et la communication par le franchiseur de son savoir faire et de ses méthodes.

Si l’immatriculation auprès de l’Orias, est une des conditions nécessaires pour le franchisé à cette exploitation, elle ne constitue pas la cause de ses obligations de verser d’une part un droit d’entrée, d’autre part des redevances et commissions mensuelles, cette cause se trouvant, s’agissant d’un contrat synallagmatique, dans la contrepartie concédée par le franchiseur en termes de formation, de droit d’usage de sa marque et d’accompagnement notamment publicitaire….»

Sur la résiliation

« Or, il est versé au débat un arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 octobre 2018, selon les termes duquel, par jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 4 mai 2015, Mme X a été définitivement déclarée coupable des faits d’escroquerie et d’usage de faux en écriture et condamnée à un emprisonnement délictuel de neuf mois avec sursis, décision pénale dont elle n’a pas relevé appel, puisque son recours du 12 avril 2016, ne porte que sur le jugement sur intérêts civils du 6 avril 2016.

Mme Y X, qui ne pouvait ignorer ni les termes de sa condamnation, ni le caractère limité de son appel, a donc établi une déclaration sur l’honneur mensongère au sujet de l’une des conditions essentielles à la bonne exécution du contrat et qu’il lui appartenait de remplir. ….

C’est donc bien par la seule faute de Mme Y X, qui ne peut, de surcroît, se prévaloir de sa propre turpitude, que la convention de franchise n’a pu recevoir aucune exécution et qu’elle doit être résiliée à ses torts exclusifs ».

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

La cour d’appel de Grenoble déboute la récipiendaire de sa demande de nullité du contrat, prononce la résiliation dudit contrat à ses torts exclusifs et la condamne à la somme de 21 600 € au titre la perte de chance pour la société d’obtenir un chiffre d’affaire grâce à l’activité de sa franchisée.

C’est l’éternel débat sur la cause dans les contrats. Il est exact que la cause dans ce contrat de franchise, synallagmatique, ne réside pas (uniquement dirions nous) dans l’inscription de la récipiendaire à l’ORIAS mais aussi dans l’usage de la marque, la formation, et l’accompagnement publicitaire dont on sait l’importance.

Il faut dire que la cocontractante faisait fort en passant sous silence une décision du tribunal correctionnel de CRETEIL la condamnant pour escroquerie et usage de faux, cause du rejet de son inscription à l’ORIAS.

Sur cette question de la cause dans ce type de contrat voir avec profit les trois arrêts de la chambre commerciale en date du 3 Mai 2012 – 11-14289- 14-290- 14-291 – Attention a bien qualifier le contrat et à ne pas le confondre avec un contrat de simple distribution dans lequel la cause est différente : CA Toulouse 25 Mai 2004 Juris Data 2004-247226 –

Pour modéliser correctement le risque de condamnation dans ce type de contrat il faut des critères fins et il en faut de nombreux.

C’est ce que CLA fait dans sa modélisation du risque de condamnation aussi bien du franchiseur que du franchisé.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source : CA. de Grenoble, 4 novembre 2021.