FAITS

Un sieur D emprunte en 2012 auprès d’une société de financement une somme de 31758 € remboursable en 84 mensualités de 487,11 € assorti d’un taux contractuel de 7,50 %.

Ce prêt fait l’objet d’aménagements en 2017.

Des impayés apparaissent et la société de financement assigne le sieur D devant le tribunal d’instance de Tourcoing qui par jugement contradictoire en date du 17 Mai 2019 condamne l’emprunteur mais déchoit la société de financement de son droit aux intérêts.

Celle ci interjette appel notamment sur la déchéance de son droit aux intérêts estimant que la signature par l’emprunteur d’une clause selon laquelle celui ci reconnaît avoir reçu la fiche laisse présumer qu’elle lui a été remise.

POSITION DE LA COUR D’APPEL

« L'article L. 311-48 du code de la consommation dispose toutefois que le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l'article L. 311-6 est déchu du droit aux intérêts. L'article R. 311-3 précise les informations devant figurer dans cette fiche.

S'il n'existe aucune obligation pour le prêteur de conserver un exemplaire des documents qui doivent être communiqués à l'emprunteur avec l'offre de crédit, notamment en application de l'article L. 311-6, il lui incombe de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations d'information ; la signature par l'emprunteur de l'offre comportant une clause selon laquelle il reconnaît avoir reçu la fiche d'information précontractuelle, comme en l'espèce, ne constitue qu'un simple indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, sauf à inverser la charge de la preuve (voir en ce sens : 1re Civ, 5 juin 2019, pourvoi n° 17-27.066, 1re Civ, 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971).

La société Sogefinancement communique une copie d'un exemplaire de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées' reprenant l'ensemble des informations prévues à l'article R. 311-3 du code de la consommation relatives au contrat en cause, portant la mention visée au dernier alinéa de l'article L. 311-5, et qui est conforme à la fiche d'information présentée à l'annexe à l'article R. 311-3 du code de la consommation. Cette fiche, même si elle n'est pas signée ou paraphée par l'emprunteur, permet, avec la signature de la clause en vertu de laquelle l'emprunteur reconnaît que lui a été remise la fiche d'informations précontractuelles, de justifier du respect de son obligation par la banque.

Il n'y a donc pas lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts.

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

La cour d’appel de DOUAI fait de la résistance. Nous savons qu’une clause ne peut, à elle seule, faire preuve de la remise d’un document : CJUE 18 décembre 2014 n° C-449/13.

Elle ne peut être qu’un indice qui doit être corroboré avec d’autres pour faire cette preuve.

La première chambre civile a d’ailleurs récemment modifié sa jurisprudence en la matière en jugeant : Cassation civile 1. 21/10/2020 – 19-18971 – et s’est alignée sur le droit européen.

«…Pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par l'emprunteur, l'arrêt énonce que la reconnaissance écrite par celui-ci, dans le corps de l'offre préalable, de la remise d'un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laisse présumer sa remise effective et que l'emprunteur n'apporte pas la preuve de l'absence de remise du bordereau de rétractation par le prêteur ou à défaut de son caractère irrégulier.

En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.»

Elle s’est donc alignée sur le droit européen.

C’est en toute connaissance de cause que la cour d’appel de DOUAI a jugé ce qu’elle a jugé.

Il est exact comme l’écrit le commentateur de la revue que la simple remise de la FIPEN non signée est insuffisant pour faire preuve. Il faut peut être alors que les banques prévoient dans leurs procédures la signature de l’emprunteur sur cette fiche.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : CA Douai, 18 novembre 2021, RG 19/04488. L'essentiel du droit bancaire N°1 janvier 2022, page 4