FAITS

Une banque consent un crédit immobilier à une SCI avec les cautions solidaires des associés de la société.

Quelques années après la banque met en demeure la SCI et les cautions de régler les échéances impayées dans le délai de quinze jours en précisant que, passé ce délai, la clause de déchéance du terme prévue au contrat produirait effet.

La créance de prêt est cédée à un fonds commun de titrisation qui effectue une nouvelle mise en demeure et qui assigne les cautions en paiement.

La cour d’appel d’Amiens le 5 septembre 2019 rejette la demande du fonds refusant à la mise en demeure restée infructueuse la possibilité de mettre en jeu la déchéance du terme du crédit.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
Il résulte de ces textes que, lorsqu'une mise demeure, adressée par la banque à l'emprunteur et précisant qu'en l'absence de reprise du paiement des échéances dans un certain délai la déchéance du terme serait prononcée, est demeurée sans effet, la déchéance du terme est acquise à l'expiration de ce délai sans obligation pour la banque de procéder à sa notification.
Pour rejeter la demande en paiement formée contre les cautions, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que, nonobstant les termes du contrat excluant, en cas de non-paiement d'une échéance, la nécessité d'une mise en demeure préalable à l'exigibilité de toutes les sommes dues au titre du prêt, la banque a procédé à une mise en demeure, et qu'à défaut de régularisation dans le délai imparti, elle n'a pu se trouver dispensée de notifier aux emprunteurs la déchéance du terme.
En statuant ainsi, alors que, faute de règlement par la SCI et les cautions dans le délai de quinze jours imparti par la banque, la déchéance du terme était acquise le 27 mars 2009, sans que la banque soit tenue d'en notifier le prononcé, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Voilà une décision que les juristes de banque vont apprécier.

Il faut néanmoins en analyser la portée. Dans cette affaire la mise en demeure rappelait – et la Cour régulatrice le note – que passé un certain délai la déchéance du terme serait acquise. Sage précaution prise par la banque à défaut de laquelle on peut penser que la solution eût été différente.

En ce qui concerne les visas aux anciens articles du code civil (1134 et 1184 ) nous ne pensons pas que les nouveaux textes modifient la portée de cet arrêt dans la mesure ou l’article 1103 qui remplace l’article 1134 est quasi à l’identique et que l’article 1225 qui remplace (en partie) l’ancien article 1184 dispose :

« La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat.

La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.

La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire ».

Ce que la banque a bien pris soin de faire. On peut donc légitimement penser la solution pérenne du moins à faits identiques.

Rappelons pour mémoire que la mise en demeure n’est pas soumise aux conditions des articles 669 et 670 du CPC. Sur ce point voir Cassation Civile 1. 20 janvier 2021 – 19-20680.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Civ. 1ère10 novembre 2021, pourvoi n°19-24386, publié au bulletin, L’essentiel du droit bancaire n°11, décembre 2021, page 3.