FAITS

M. Jean-Marie C. a échangé avec une personne se présentant comme Antonio T. Dos S. et utilisant une adresse [...] concernant l'offre diffusée par ce dernier sur le site Lebon coin pour vendre une moto pour un prix total de 18 000 euros.

Le 11 aout 2017, M. Jean-Marie C. a demandé à sa banque la Caisse d'épargne de procéder à un virement de 16 500 euros vers le compte IBAN [...] ouvert auprès de la SA BNP Paribas (la BNP) et portant le motif 'achat moto Mr C. Jean Marie pour payer une partie du prix convenu.

Le 17 aout 2017, la BNP a alerté la Caisse d'épargne d'une anomalie affectant le virement ordonné, dès lors que le nom du bénéficiaire et le motif du virement entaient erronés et a par conséquent sollicité une confirmation de cet ordre.

A l'inverse de l'indication figurant sur les coordonnées bancaires fournie par le vendeur, il s'est avéré que le numéro IBAN communiqué ne correspondait pas à celui d'une société Chambly Moto et que M. C. était victime d'une escroquerie. Il a demandé le blocage du virement le 22 août 2017. Cependant, les fonds avaient été libérés dès le 14 août 2017.

Le tribunal judiciaire de Boulogne sur mer condamne la banque qui interjette appel au visa de l’article L 133-21 du CMF qui édicte une présomption de non-responsabilité du PSP.

POSITION DE LA COUR D’APPEL

« La BNP n'était pas tenue de vérifier les coordonnées bancaires du bénéficiaire indiqué par M. C. sur l'ordre de virement, ni la concordance entre le nom du bénéficiaire et l'identifiant qu'il a fourni à sa banque. La mauvaise exécution de l'opération de paiement ne provient pas d'une erreur dans la retranscription par la banque de l'IBAN, mais de la transmission par M.C. d'un relevé d'identité bancaire comportant un IBAN, qui ne correspondait pas à un compte ouvert au profit de la société Chambly Moto, qu'il n'avait pas pris soin de vérifier.

La circonstance que la BNP ait toutefois attiré l'attention de la Caisse d'épargne en lui demandant de lui confirmer que M. C. était bien l'émetteur du virement, au motif que " [...] le nom du bénéficiaire et le motif du virement sont erronés" est indifférente : d'une part, il n'entrait pas dans ses obligations de procéder à une telle mise en garde du prestataire de service de paiement du payeur ; d'autre part, une telle initiative ne génère à son encontre aucune obligation au profit du payeur.

Il en résulte que la BNP ne peut être déclarée responsable des conséquences
dommageables pour M. C. de la mauvaise exécution de l'opération de paiement, alors que l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement était inexact, en ce qu'il ne correspondait pas au compte d'une société Chambly Moto.

Elle n'engage pas sa responsabilité pour ne pas avoir bloqué le virement litigieux.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé sur ce point et M. C. est débouté de ses demandes à l'encontre de la BNP. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Dans les deux premiers alinéas de l’article L 133-21 du code monétaire et financer le législateur nous dit « Un ordre de paiement exécuté conformément à l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l'identifiant unique.

Si l'identifiant unique fourni par l'utilisateur du service de paiement est inexact, le prestataire de services de paiement n'est pas responsable de la mauvaise exécution ou de la non-exécution de l'opération de paiement... »

Il s’agit bien d’une présomption de non-responsabilité du PSP. En l’espèce l’IBAN fournit par le client était erroné.

La cour prend soin de motiver sa décision en indiquant que : « La BNP n'était pas tenue de vérifier les coordonnées bancaires du bénéficiaire indiqué par M. C. sur l'ordre de virement, ni la concordance entre le nom du bénéficiaire et l'identifiant qu'il a fourni à sa banque. La mauvaise exécution de l'opération de paiement ne provient pas d'une erreur dans la retranscription par la banque de l'IBAN, mais de la transmission par M. C. d'un relevé d'identité bancaire comportant un IBAN, qui ne correspondait pas à un compte ouvert au profit de la société Chambly Moto, qu'il n'avait pas pris soin de vérifier... »

La cour juge par ailleurs que le fait que la BNP ait alerté la Caisse d’Épargne sur les anomalies qui apparaissaient n’était pas de nature à mettre en jeu sa responsabilité.

Cet arrêt de la cour d’appel n’encourt pas la cassation qui est sur la même ligne: Cassation commerciale 24 janvier 2018 – 16-22336 -

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source: Cour d'Appel de Douai, 28 avril 2022. RG 20/05279