FAITS

Un débiteur bénéficie le 12 Août 2008 d’une procédure de sauvegarde pour laquelle un administrateur est nommé. Le 22 décembre suivant ce débiteur dépose une déclaration notariée d’insaisissabilité (DNI) de deux immeubles non affectés à l’exploitation, qui est publiée le 7 janvier 2009.

La procédure de sauvegarde est convertie en procédure de redressement judiciaire le 10 mai 2010 avec une date de cessation des paiements fixée au 11 Août 2008. Le 11 septembre 2012 la procédure est convertie en liquidation judiciaire. Dans le cadre de sa mission, le liquidateur s’étant vu opposer la DNI a assigné le débiteur en inopposabilité de celle ci.

La cour d’appel de Reims le 2 juillet 2019 se fondant sur l’absence de dessaisissement et sur le fait que la DNI n’est pas un acte de disposition déclare cette DNI opposable au liquidateur qui se pourvoit en cassation.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 4 août 2008 :
Il résulte de ce texte que, lorsque la personne physique qui exerce une activité professionnelle indépendante a déclaré insaisissables des droits sur un bien foncier non affecté à son usage professionnel, cette déclaration n'a d'effet que si elle a été publiée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, fût-elle une procédure de sauvegarde, qui réunit les créanciers en une collectivité et emporte, dès ce moment, appréhension de l'immeuble dans leur gage commun.
Pour dire la déclaration notariée d'insaisissabilité de M. O... opposable au liquidateur, l'arrêt relève que la désignation de l'administrateur n'avait pas ôté au débiteur le pouvoir d'exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration et retient que, la déclaration d'insaisissabilité n'étant pas un acte de disposition, elle ne fait pas partie des actes énumérés par l'article L. 622-7-II, du code de commerce que le juge-commissaire doit autoriser.
En statuant ainsi, après avoir relevé que la déclaration d'insaisissabilité avait été publiée après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Nous savons que la DNI effectuée ante jugement est opposable à la procédure collective : Cassation commerciale 28 juin 2011 – 10-15482 ;

Qu’elle ne relève pas de la compétence du juge commissaire : Cassation commerciale 5 avril 2016 – 14-24640 – et, régulière ;

Qu’elle empêche toute saisie : Cassation commerciale 24 Mars 2015 – 14-10175.

La cour d’appel s’était fondée sur l’article L 526-1 du code de commerce qui, comme le note le commentateur François-Xavier Lucas n’éclaire pas vraiment la décision qui ne semble s’attacher qu’à la date de la publication de la DNI.

Dans notre espèce la DNI avait été constituée le 22 décembre 2008, publiée le 7 janvier 2009 alors que le jugement de redressement judiciaire datait du 10 janvier 2010 et la date de cessation des paiements remontée au 11 Août 2008. La DNI a donc été constituée et publiée en période suspecte. C’est plus que la Cour régulatrice pouvait admettre.

La procédure de sauvegarde, qui suppose pourtant qu’il n’y ait pas de cessation des paiements, ne dessaisit pas le débiteur… mais quand même un peu.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique chez Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 10 mars 2021, pourvoi n°19-21971, publié au bulletin, L’essentiel du droit des entreprises en difficultés n°4, avril 2021 page 1