FAITS

La société DEXIA a consenti à la commune de Palaiseau en 2006 un prêt d’un montant de 6 545 686,87 € sur une durée de 20 ans destiné pour 1 500 000 € à financer des investissements et pour le surplus à refinancer des prêts antérieurs.

Le contrat prévoyait que durant une première partie de 15 ans le taux était indexé au cours de change de l’euro en francs suisse.

En 2010, 2011 et 2012, la même banque a consenti à la même commune, trois prêts, chacun de ces prêts étant destiné à refinancer le précédent, les intérêts se référaient aux modalités convenues en 2006.

Estimant que l’appréciation du franc suisse par rapport à l’euro avait entraîné une forte augmentation du taux d’intérêt des prêts la commune a assigné la société DEXIA en annulation des stipulations du taux d’intérêt conventionnel des contrats de prêt et subsidiairement en annulation des contrats.

La cour d’appel de Versailles le 21 Mars 2019 juge la demande irrecevable au motif que lors de la souscription des contrats en 2010, 2011 et 2012 la commune était informée des débats judiciaires et journalistiques sur l’endettement des communes et leurs financements.

La commune se pourvoit en cassation au motif essentiel que la confirmation d’actes nuls exige «…à la fois la connaissance du vice les affectant et l’intention non équivoque de le réparer …»

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

«  L'arrêt retient en outre que, dès l'automne 2008, plusieurs élus locaux avaient dénoncé publiquement la présence dans leur dette de prêts structurés consentis majoritairement par la société Dexia, qu'ils qualifiaient de toxiques, que, le 7 décembre 2009, une charte de bonne conduite a été adoptée sous l'égide des pouvoirs publics, entérinant l'engagement des établissements bancaires de ne commercialiser que des produits correspondant à la typologie définie par la charte en fonction des risques présentés par les indices sous-jacents et la structure des prêts, que cette charte a été suivie de la publication d'une circulaire du 25 juin 2010 exposant notamment, à titre de contexte, le risque financier parfois disproportionné que couraient les collectivités locales qui avaient souscrit des prêts structurés et détaillant les obligations des établissements financiers et la possibilité d'agir en justice afin d'obtenir réparation en cas d'inexécution de ces obligations, que de très nombreux articles relatifs au débat sur les emprunts dits « toxiques » ont été publiés dans la presse généraliste ou consacrée aux collectivités locales, entre octobre 2009 et mai 2010, et qu'en juillet 2011, a été rendu public le rapport thématique de la Cour des comptes sur la gestion de la dette publique locale, ce dont il déduit, d'abord, que, lors de la renégociation des prêts en 2010, 2011 et 2012, la commune n'ignorait pas le vif débat au sujet de l'endettement des collectivités locales et était en mesure d'apprécier les risques encourus du fait de la conclusion des précédents prêts, ainsi que de rechercher les éventuels manquements de la société Dexia et, ensuite, que c'est en toute connaissance de cause que la commune a mis un terme aux contrats de prêt de 2006, 2010 et 2011 en souscrivant les contrats de 2010, 2011 et 2012, la conclusion de ces trois derniers contrats caractérisant donc la volonté non équivoque de la commune de renoncer à agir en annulation des trois premiers.
En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la connaissance par la commune, lors du remboursement anticipé des contrats de prêt de 2006, 2010 et 2011, des vices qu'elle invoquait comme affectant ces contrats et son intention de les réparer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

La connaissance du vice doit être précise et la volonté de confirmation d’un acte nul doit être certaine et non équivoque.

Une connaissance, comme en l’espèce, générale, journalistique et ne se rapportant pas à l’espèce querellée ne peut suffire à renoncer à un droit.

Cette décision est classique. La dénonciation en 2008, par les élus locaux des pratiques bancaires de prêts qualifiés de toxiques ne suffit pas à caractériser « …la connaissance par la commune, lors du remboursement anticipé des contrats de prêts de 2006, 2010 et 2011 , des vices qu’elle invoquait comme affectant ces contrats et de son intention de les réparer… ».

Sur cette question voir avec profit Cassation commerciale 24 Mai 2018 – 16-26478 – et CA Versailles chambres réunies 21 Septembre 2016 – LEDB N°11 Décembre 2016 page 2.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 8 avril 2021 pourvoi n°19-17997, L'essentiel du droit bancaire n°6 Juin 2021, p.3

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