FAITS

Selon l'arrêt attaqué (Rennes,15 décembre 2020), la société Saint Antoine BA (la société Saint Antoine) a conclu avec ses principaux créanciers un accord de conciliation homologué par un jugement du 12 avril 2012 selon lequel la société BNP Paribas (la banque) s'engageait à consentir un prêt de 75 000 euros, lequel a été signé le 4 mai suivant. M. [G], gérant de la société Saint Antoine, s'est rendu caution solidaire du prêt dans la limite de la somme de 86 250 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant,
des intérêts de retard.
Le 30 octobre 2013, la société Saint Antoine a été mise en redressement judiciaire. La banque a déclaré sa créance le 19 novembre suivant et a prononcé la déchéance du terme du prêt le 24 décembre 2015 puis a assigné M. [G] en paiement le 19 juin 2015.
La cour d’appel de Rennes déboute la banque, jugeant le cautionnement caduc.
Ladite banque se pourvoit en cassation au motif que la caducité du plan de conciliation n’entraîne pas l’extinction des suretés qui garantissent le remboursement d’un nouvel apport de trésorerie.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION


«Vu l'article L. 611-12 du code de commerce :
Si, selon ce texte, lorsqu'il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier, qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dettes dans le cadre de l'accord de conciliation, recouvre l'intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient, il ne conserve cependant pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues dans le cadre de l'accord en contrepartie de ces délais ou de ces abandons de créances.
En revanche, le créancier, qui a consenti, pour les besoins de l'accord, une avance donnant naissance à une nouvelle créance, garantie par un cautionnement, est en mesure de demander l'exécution par la caution de cet engagement, en dépit de la caducité de l'accord.
Pour déclarer caduc le cautionnement de M. [G], l'arrêt retient que le concours de 75 000 euros consenti par la banque, destiné en partie au remboursement d'une ligne de découvert, qui constitue pour le surplus un nouvel apport en trésorerie, a été accordé dans le cadre de l'accord de conciliation auquel le prononcé du redressement judiciaire a mis fin et en déduit que l'échec de l'accord a entraîné la caducité de celui-ci dans son intégralité, notamment celle des engagements de caution.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé...»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION


Le 27 novembre 2017 le tribunal de commerce de Nantes avait condamné la caution a payer à la BNP le montant de sa signature.
Par arrêt en date du 15 décembre 2020 la cour d’appel de Rennes infirme la décision et juge la caution caduque.
En première instance la question de la survivance de la garantie n’était pas dans le débat.
La cour d’appel de Rennes a motivé ainsi : « Si selon l'article L 611-12 du code de commerce, lorsqu'il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dette dans le cadre de l'accord de conciliation recouvre l'intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient, il ne conserve pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues
dans le cadre de l'accord. L'échec de l'accord entraîne la caducité de celui-ci dans son intégralité et notamment des engagements de caution.
Dans le cadre de l'accord de conciliation, la BNP a accordé une nouvelle ouverture de trésorerie de 50.000 euros et le remboursement du découvert existant pour 25.000 euros. Ainsi, du fait de l'échec du protocole de conciliation, la BNP n'a pas conservé le bénéfice de l'engagement de caution accordé par M. B. dans le cadre de l'accord de conciliation homologué par le tribunal. Cet engagement est caduc.»

Elle n’est pas entrée dans l’accord querellé pour convenir qu’une partie importante du crédit était destiné à remettre de l’argent frais dans l’entreprise.
Elle a fait une lecture littérale de l’article L 611-12 du code de commerce et non pas dynamique.
La Cour de cassation la censure en entrant dans l’acte de caution pour constater qu’il a en partie garanti des crédits nouveaux. Elle nous invite donc à une lecture plus fine de cet article.
Elle peut également se lire différemment en rappelant que la nullité d’un rapport d’obligations n’entraîne pas la nullité des garanties y attachées. Cassation civile 3. 5 novembre 2008 – 07-17357 – 7 avril 2016 – 14-24164 - Cassation civile 1 24 octobre 2018 – 17-16733 – Pour  autant la cour régulatrice ne se place pas sur ce terrain.
Le renvoi est fait devant la cour d’appel d’Angers. A suivre...

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source: Cass. Chambre Commerciale, 26 octobre 2022. Pourvoi N° 21-12085. Publié au bulletin.