FAITS

La banque crédit du nord accorde à un couple un prêt immobilier d’un montant de 66 000 € remboursable en 300 mensualités.
Trois années après la banque prononce la déchéance du terme dudit crédit au motif que les informations qui avaient été communiquées étaient inexactes et assigne les emprunteurs en paiement.
Le tribunal judiciaire de Valencienne constate la péremption d’instance et déboute la banque qui interjette appel.

POSITION DE LA COUR D’APPEL

Sur la péremption d’instance
«Dès lors, dans l'attente de la transmission du dossier entre greffes et de la réception de la lettre prévue par l'article 97 du code de procédure civile, aucune diligence au sens de l'article 386 du code de procédure civile n'incombait au Crédit du Nord, et le premier juge ne pouvait donc déclarer l'instance périmée au motif qu'il n'avait accompli aucune diligence interruptive dans le délai de deux ans suivant l'ordonnance du conseiller de la mise en état.
Réformant le jugement déféré, il y a lieu de dire que l'instance n'est pas périmée et de déclarer les demandes du Crédit du Nord recevables....»

Sur la déchéance du terme
« Lors de la souscription du contrat de crédit, M. [L] a produit son contrat de travail à durée indéterminée avec la société Allo Services en date du 28 février 2011, et un bulletin de salaire du mois de février 2012. Il a déclaré sur la fiche de renseignements un emploi de chauffeur livreur moyennant un salaire net mensuel de 1 350 euros, et qu'il avait un an d'ancienneté auprès de son employeur Allo Services.

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Le Crédit du Nord verse aux débats un certificat n° 9058 intitulé "document en anomalie" de la société Vérif consult délivré le 20 février 2015, selon lequel le bulletin de salaire du mois de février 2012 communiqué par M. [L] pour obtenir le prêt contient des anomalies.
Cependant, l'analyse ne livre aucune explication quant aux anomalies décelées, seule des cases étant cochées. Enfin, à supposer que des anomalies soient établies, elles pourraient parfaitement être le résultat d'erreurs commises par l'employeur dans l'établissement du bulletin de salaire.
De plus, l'analyse précise que le contrôle des documents doit être effectué une seconde fois pour confirmer les anomalies. Or, la banque n'a pas fait effectuer un second contrôle.
Dès lors, cette analyses est insuffisante à démontrer que le document remis à la banque par M. [L] est un faux à seule fin de déterminer la banque à lui accorder le crédit.......... »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Nous l’avons écrit précédemment la déchéance du terme est une arme redoutable puisqu’elle permet au prêteur d’exiger la totalité de sa mise à disposition: Cassation civile 1. 25 mai 2022 – 21-14713 – voir notre précédent commentaire.
En règle générale ce sont les impayés qui font ladite déchéance mais pas toujours.
Dans notre affaire ce sont les renseignements fournis par les emprunteurs que la banque avait jugés inexacts permettant ainsi le déclenchement de la déchéance du terme.
Étaient-ils inexacts ou suffisamment inexacts?
La banque avait versé aux débats un « certificat» établi par une société tierce qui indiquait le document « en anomalie ».
Pour la cour d’appel ce seul document était insuffisant à établir l’anomalie dudit bulletin de salaire.
A l’évidence cette activité de vérification avait été sous-traitée par la banque.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source: CA de Douai, 15 septembre 2022. RG 20/03651. LEDB N° 10 NOVEMBRE 2022 PAGE 5