FAITS

Pour financer les besoins de son activité de restauration et de sandwicherie une société sollicite un crédit sous forme de location financière avec la société LOCAM et portant sur du matériel fourni par une autre société moyennant soixante loyers mensuels.

Quelques mois après la signature dudit contrat la société est en défaut de paiement et la société LOCAM visant la clause résolutoire assigne ladite société en paiement.

Cette dernière se défend en prétendant que la clause résolutoire est déséquilibrée et qu’en application de l’article 1171 du code civil elle ne peut trouver à s’appliquer.

Elle est suivie par la cour d’appel de Lyon.

La société LOCAM se pourvoit en cassation sur ce point précis du champ d’application de l’article 1171 précité.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

«Selon l'article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance, que l'intention du législateur était que l'article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation.
L'article 1171 du code civil, interprété à la lumière de ces travaux, s'applique donc aux contrats, même conclus entre producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers, lorsqu'ils ne relèvent pas de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019, applicable en la cause, tels que les contrats de location financière conclus par les établissements de crédit et sociétés de financement, lesquels, pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du code monétaire au financier, ne sont pas soumis aux textes du code de commerce relatifs aux pratiques restrictives de concurrence (Com. 15 janv. 2020, n° 18-10.512).
Le moyen, pris en sa première branche, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

C’est le champ d’application de l’article 1171 qui retient notre attention car la société LOCAM avait également mis dans le débat que la clause résolutoire dans ce type de contrat ne peut prévoir une équivalence au profit du locataire compte tenu de sa nature. C’est d’ailleurs ce que confirme la haute cour en jugeant :

«Pour dire que l'article 12 des conditions générales du contrat est réputé non écrit, l'arrêt retient que la clause réserve à la seule société Locam la faculté de se prévaloir d'une résiliation de plein droit qu'aucune autre stipulation n'ouvre à la société Green Day.
En statuant ainsi, alors que le défaut de réciprocité de la clause résolutoire de plein droit pour inexécution du contrat prévue à l'article 12, a) des conditions générales se justifie par la nature des obligations auxquelles sont respectivement tenues les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé…. »

Sur le champ d’application la chose est désormais entendue ; seules les dispositions des articles L 442-6 du code de commerce et L 212-1 du code de la consommation excluent celles de l’article 1171 précité.

C’est par une analyse des travaux parlementaires que la haute cour motive sa position.

Attention donc aux praticiens a invoquer le bon fondement 1171 ou L 442-6 ou L 212-1.

Bien évidemment il doit s’agir d’un contrat d’adhésion au sens de l’article 1110 du code civil. «Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties. Le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties.» C’est bien le cas des contrats de location financière.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. chambre commerciale, 26 janvier 2022, pourvoi n°20-16782, publie au bulletin. L'essentiel du droit bancaire n°3, mars 2022, page 7.