FAITS

Deux sociétés sont titulaires chacune d’un compte dans la même banque mais dans des agences distinctes.

Elles sont par ailleurs en relation d’affaires notamment dans le cadre d’une vente de  machine outil pour une somme de 81600 € ayant fait l’objet d’une cession de créance au profit de ladite banque qui a, par courrier en date du 19 octobre, notifié sa créance à la société débitrice cédée.

Malgré cette notification un chèque est émis par la société débitrice et remis par la société créancière sur son compte pour encaissement. Le chèque est débité au compte de la société émettrice.

La banque sollicitant le paiement de sa créance au titre de la mobilisation Dailly et ne l’obtenant pas prend jugement contre la société débitrice cédée qui est condamnée à payer la somme de 82 143,55 €.

C’est ce jugement qui est frappé d’appel au motif du paiement initial effectué par la société débitrice que celle ci estime libératoire outre le fait qu’elle entend mettre en jeu la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de vigilance.

POSITION DE LA COUR D’APPEL

« ………En l'espèce, la société P., qui a reçu, le 19 octobre 2015, notification de la cession de la créance litigieuse lui faisant interdiction de se libérer entre les mains de la société DSF, a, au mépris de cette notification, dont les conditions de régularité formelle ne sont pas contestées, commis une faute d'imprudence en émettant volontairement le 27 octobre 2015, un chèque de 81 600€ au profit de la DSF…. ».

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Cette motivation aurait pu suffire pour débouter la société de son appel. En effet la notification lorsqu’elle est fait dans les règles – ce que relève la cour – suffit à ôter au paiement fait par le débiteur cédé son caractère libératoire.

Sur les mentions que doit comporter la notification prévue par l’article L 313-28 du code monétaire et financier voir avec profit CA Colmar 3 Mai 2005 RG 04/00050 dans une espèce ou la banque avait entretenu la confusion entre la notification et l’acceptation ;

Le débiteur cédé qui reçoit la notification n’est pas tenu d’y répondre : Cassation commerciale 7 Mars 2006 – 05-13380 – Réserve faite de la fraude, comme toujours ; Cassation commerciale 4 Mars 2008 – 06-19725 - La notification ne peut faire acquérir plus de droit que le cessionnaire en disposait au jour de la cession : Cassation commerciale 11 Juillet 2006 – 04-15335 -  17 décembre 2013 – 12-26706 –

Par ailleurs la société débitrice avait mis dans le débat un autre argument au terme duquel elle reprochait à la banque son manque de vigilance dans l’encaissement du chèque qui aurait dû l’alerter sur le fait qu’il payait une créance cédée.

La cour y répond en deux temps tout d’abord elle relève que la banque ne peut suivre toutes les cessions de créances professionnelles quotidiennes et que par ailleurs cette vérification s’avérait impossible compte tenu de l’éloignement géographique séparant l’agence du tireur et celle ou a été encaissé le chèque. Dont acte. La réponse aurait tout aussi pu consister à écrire que la banque n’a pas, sauf anomalie apparente – ici absente – à s’immiscer dans les affaires de ses clients c’est à dire en l’espèce à suivre les paiements directs des créances cédées. Ce suivi est l’affaire du cédant qui en l’espèce avait déposé son bilan.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source : CA. Toulouse, 9 février 2022, RG 20/03904. L'essentiel du droit bancaire, n°4, avril 2022, page 5.