FAITS


En 2014, à la suite d'un démarchage, Madame [C] a contracté avec KD Markets - société de courtage étrangère identifiée par l'AMF comme proposant en France sans y être autorisée des investissements sur des marchés des changes non régulés - dans l'objectif d'investir des fonds sur une plateforme de 'trading en ligne' avec la promesse de gains importants et une
rentabilité rapide et certaine de son investissement.

Entre le 16 mai et le 7 novembre 2014, Madame [C] a ainsi procédé à des virements de fonds à partir de son compte bancaire ouvert dans les livres de la Caisse Régionale du Crédit Agricole du Languedoc-Roussillon (la CRCAM ci-après) pour un montant global de 122.406,25 €.

Elle a cependant été confrontée à l'impossibilité de retirer les gains espérés ou de récupérer ses fonds ainsi investis.

Elle en a fait le reproche à sa banque qu’elle a assigné en responsabilité.
Les premiers juges l’ont déboutée et la dame C se retrouve devant la cour d’appel de Montpellier.

POSITION DE LA COUR D’APPEL


« ...Or, comme rappelé à bon droit par le premier juge, la banque ne pouvait s'immiscer dans les affaires de sa cliente et, en l'occurrence, la CRCAM n'a commis aucune faute en exécutant les ordres de virement qui lui étaient donnés par Madame [C] depuis chez elle, à partir d'un compte suffisamment approvisionné, alors qu'il n'existait aucune anomalie apparente concernant chacune des opérations qu'elle était seulement chargée d'exécuter
vers des banques établies à l'étranger.

La situation aurait été différente si Madame [C] avait demandé à la banque de réaliser les investissements litigieux pour son compte dans le cadre d'un mandat de gestion, car il aurait alors été possible de lui reprocher un manquement à un devoir de mise en garde envers sa cliente désireuse de s'engager avec une entité identifiée comme non fiable. Mais en l'occurrence où la CRCAM - soumise au devoir de non-immixion dans les affaires de ses clients basé sur le respect de la vie privée - n'avait pas même connaissance du nom du cocontractant de Madame [C] ni de faits susceptibles de qualification pénale commis à son encontre, il n'est justifié d'aucune faute de sa part dans l'exécution des ordres de virements litigieux.
Par suite, le jugement mérite confirmation en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires complémentaires de Madame [C].... »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION


La dame C avait également fondée son action sur le fait que la banque aurait dû être alertée au titre de la réglementation sur le blanchiment d’argent. La cour y répond, comme le tribunal, en indiquant qu’il n’était pas question de blanchiment ou de financement du terrorisme.
Sur le reproche principal la cour d’appel indique très clairement les limites des investigations de la banque.
Elle n’a pas, sauf anomalie apparente, à s’immiscer dans les affaires de ses clients. Sur ce point la jurisprudence est parfaitement stabilisée tant au niveau de la cour régulatrice; Cassation commerciale 17 septembre 2013 – 12-20512-; 13 février 2019 – 17-28530 -; 8 janvier 2015 – 13-20088 – que des cours d’appel CA CAEN 10 février 2022 RG 20/02437; Aix en Provence 24 mai 2017 RG 15/07438.
Si les plaideurs tentent néanmoins cet argument c’est parce que la jurisprudence a consacré, au-delà des anomalies apparentes celles purement intellectuelles qui revenaient à reprocher à la banque de ne pas avoir vérifié la «cohérence» des opérations par rapport au fonctionnement habituel du compte. Cette jurisprudence est née du fameux arrêt des sœurs JAUZON Cassation commerciale 1 juillet 2003 – 00-18650 – et à sa suite 6 février 2007 – 05-14872 -; 9 juillet 2013 – 12-22240. Les cours d’appel ont suivi CA PAU 20 mars 2008  RG 07/00407.
Mais la présente cour ne rentre pas dans cet argument, se bornant, opération par opération, a indiquer qu’elles n’étaient pas anormales.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source: CA de Montpellier, 24 novembre 2022. RG 20/00305. LEDB N° 1 JANVIER 2023 PAGE 2