FAITS

Une banque consent en avril 2006 un prêt immobilier à M et Mme T. A la suite d’échéances impayées la banque prononce la déchéance du terme et assigne les emprunteurs qui sollicitent reconventionnellement des dommages – intérêts au titre d’un manquement de la banque à son devoir de mise en garde et la déchéance de son droit aux intérêts pour non respect du délai de rétractation.

La cour d’appel de Grenoble le 4 décembre 2018 prononce la déchéance de la banque de son droit aux intérêts et celle ci se pourvoit en cassation au motif que la méconnaissance du délai de rétractation est sanctionnée par la nullité relative du contrat de prêt qui doit être demandée dans le délai de prescription de cinq ans.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu l'article L. 312-10, alinéa 2, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
Selon ce texte, l'offre est soumise à l'acceptation de l'emprunteur qui ne peut l'accepter que dix jours après qu'il l'a reçue. L'inobservation de ce délai est sanctionnée par la nullité du contrat .
Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la banque, après avoir constaté qu'elle produisait une offre de prêt datée du 13 avril 2006 qu'elle avait adressée aux emprunteurs, sur laquelle ne figurait aucune mention sur la date de réception de l'offre et la date de son acceptation, l'arrêt retient qu'il ne peut être vérifié que les emprunteurs ont effectivement disposé d'un délai de dix jours entre la réception de l'offre et son acceptation et qu'est, dès lors, encourue la sanction prévue à l'article L. 312-33 du code de la consommation.
En statuant ainsi, la cour d‘appel a violé le texte susvisé.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

L’ancien article L 312-10 du code de la consommation disposait :

« L'envoi de l'offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu'elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l'emprunteur.

L'offre est soumise à l'acceptation de l'emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L'emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l'offre que dix jours après qu'ils l'ont reçue. L'acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi.»

Dans la présente affaire la cour d’appel avait jugé que dès lors que ce délai de 10 jours ne pouvait être vérifié la seule sanction était la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

La Cour régulatrice ne l’entend pas ainsi et juge que dans cette hypothèse la seule sanction adaptée est la nullité du contrat de prêt.

La première chambre civile avait déjà jugé en ce sens / Cassation civile 1. 20 Février 2019 – 18-12471 – mais l’hypothèse était quelque peu différente dans la mesure ou la preuve avait été rapportée que l’offre avait été signée et acceptée le même jour.

Il s’agit d’une nullité relative qui ne peut être invoquée que par les personnes que la loi a entendu protéger : Cassation civile 1. 27 février 2001 – 98-19857.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Civ.1ère, 8 avril 2021, pourvoi n°19-11630, L’essentiel du droit bancaire n°6, juin 2021, p.5

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