FAITS

Une dame G est nommée Présidente d’une SAS pour une durée de trois ans. Les statuts de ladite société prévoyaient que la révocation du président ne pouvait intervenir que pour un motif grave, par décision collective unanime des associés autres que le président et que toute révocation intervenant sans motif grave établi ouvrirait droit à une indemnisation.

L’assemblée générale ne s’est pas prononcée sur le renouvellement de la présidente qui est toutefois restée en fonction pendant près d’une année au terme de laquelle elle n’a pas été renouvelée dans ses fonctions.

Prétendant à une révocation fautive intervenue dans des conditions vexatoires elle a assigné la société en paiement d’une indemnité statutaire de dommages-intérêts.

La cour d’appel d’Orléans le 28 février 2019 la déboute et elle se pourvoit en cassation au motif essentiel qu’elle possédait toujours la qualité de présidente ayant été renouvelée tacitement.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Lorsque le président d'une société par actions simplifiée a été nommé pour une durée déterminée, la survenance du terme entraîne, à défaut de renouvellement exprès, la cessation de plein droit de ce mandat. Le président qui, malgré l'arrivée du terme, continue de diriger la société ne peut donc pas se prévaloir d'une reconduction tacite de ses fonctions et devient alors un dirigeant de fait qui, à l'égard de la société, ne peut revendiquer les garanties dont bénéficie le seul dirigeant de droit.
Après avoir relevé que le mandat de présidente de Mme G... n'avait pas été renouvelé à l'expiration de la durée de trois ans pour laquelle elle avait été nommée le 27 juin 2012, c'est à bon droit, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par les première et troisième branches, que la cour d'appel a retenu qu'à compter du 27 juin 2015, Mme G... avait géré la société en qualité de dirigeante de fait et en a déduit que, n'ayant pas été régulièrement reconduite dans ses fonctions de présidente, elle ne pouvait revendiquer l'application des dispositions statutaires relatives à la révocation du président pour prétendre percevoir l'indemnité prévue en cette circonstance par les statuts.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

On n’est pas dirigeant par tacite reconduction. La cour d‘appel de Paris l’a jugé le 16 Octobre 2018 – 16/03087 en des termes quasi identiques : « S'il est effectif que, de fait, le mandat social de M. L. a été prorogé, cette prorogation ne s'analyse pas en une tacite reconduction et la société Courrier international était donc en droit, et avait même l'obligation, de désigner un nouveau président du directoire. » et avant elle la CA de Versailles pour un gérant de SARL 12 Septembre 2002 RG 00/07416.

La Cour de cassation s’est déjà prononcée dans le même sens dans son arrêt en date du 14 Février 2018 – 15-24146 – confirmant un arrêt de la cour d’appel de Besançon en date du 23 Juin 2015  RG 13/02510. La solution semble évidente. Pour autant la qualification de dirigeant de fait durant cette période parfois intermédiaire est elle la meilleure ?

Il y a toujours la possibilité pour l’assemblée générale de ratifier la période querellée en confirmant rétroactivement son statut. Mais à défaut ? Assimiler le dirigeant qui, avec l’accord au moins tacite des associés poursuit son mandat, à un dirigeant de fait nous semble abusif et pour tout dire manquer de nuance. Nous devrions imaginer une figure juridique de substitution entre ces deux statuts. La solution dégagée par la première chambre civile de la cour de cassation le 3 février 2011 – 10-30093 – à savoir la gestion d’affaire nous semble pertinente et suffisamment nuancée pour pouvoir s’adapter à des situations multiples.

Par ailleurs il reste acquis que vis à vis des tiers ce dirigeant de tacite reconduction engage la société, les tiers étant en droit de se réfugier derrière les règles de publicité des dirigeants.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 17 mars 2021, pourvoi n°19-14525, publié au bulletin, Bulletin d'actualités des Greffiers mai 2021 n°152 p.5