FAITS

Par acte du 12 mars 2015, la société Natixis Lease, devenue BPCE Lease, a conclu avec la société LGV Réaumur un contrat de crédit-bail, dont l'exécution a été garantie par les cautionnements consentis le même jour par Mme [W] et M. [O], chacun pour la somme de 87 600 euros.
La société LGV Réaumur ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société Natixis Lease a fait assigner en paiement les cautions, qui lui ont opposé la disproportion manifeste de leurs engagements à leurs biens et revenus.
La cour d’appel de Paris le 28 septembre 2020 a débouté le créancier et déclaré l’acte de caution inopposable au motif de sa disproportion.
Le débat devant la haute cour portait sur le point de savoir si les parts sociales, le compte courant et d’autres actifs difficilement réalisables devaient être intégrées dans l’actif ce que n’avait pas admis la cour d’appel.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION


Sur les parts sociales

«En statuant ainsi, sans prendre en compte les parts sociales détenues par Mme [W] et M. [O] dans le capital de la société LGV Réaumur, dont elle avait constaté l'existence à la date de la souscription de leurs engagements, la cour d'appel a violé le texte susvisé.»

Sur le compte courant d’associé

«En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme [W] et M. [O] n'étaient pas détenteurs, à la date de la souscription des cautionnements, de comptes courants d'associés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.»

Sur les actifs difficilement réalisables

«Pour débouter la société BPCE Lease de ses demandes formées contre les cautions, l'arrêt retient encore que celle-ci ne soutient pas que le patrimoine des cautions leur permettait de faire face à leurs obligations au jour où les sommes réclamées ont été appelées.
En statuant ainsi, alors que la société BPCE Lease soutenait, dans ses conclusions d'appel, que Mme [W] et M. [O] disposaient, à la date à laquelle les cautionnements avaient été appelés, d'un patrimoine qui leur permettait de faire face à leurs engagements, la cour d'appel, qui a dénaturé ces écritures, a violé le principe susvisé.»


MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION


Sur les parts sociales

La jurisprudence est claire et publiée : Cassation chambre commerciale 26 janvier 2016 – 13-28378 – CA Paris 20 novembre 2008 RG 04/64185.
Cette décision est donc pour actualiser les références.

Sur le compte courant d’associé

La chambre commerciale a déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette question et a jugé : « Qu'en statuant ainsi, alors que les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

La solution nous semble logique. Il s’agit bien d’un actif.

Sur les biens difficilement réalisables

La solution est également logique puisque ce n’est pas un critère qui doit être pris en compte pour apprécier la disproportion.
Nous le savons quand la jurisprudence prend en compte des biens faisant partie de l’actif de la communauté même s’ils ne peuvent être réalisés : Cassation commerciale 6 Juin 2018 – 16-26182 ; Sur le bon pour accord de l‘épouse voir Cassation commerciale 22 Février 2017 – 15-14915 -
C’est également le cas d’un bien frappé d’une clause d’inaliénabilité : Cassation commerciale 19 janvier 2022 – 20-18695 –
Il n’y a pas de corrélation entre l’assiette du gage et celle de la proportionnalité. Dans le même sens pour une garantie OSEO voir Cassation commerciale 17 octobre 2016 –17-21857 -

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source: Cass. Chambre Commerciale, 20 avril 2022. Pourvoi n°20-22386