FAITS

La BRED octroi un prêt professionnel a un couple, destiné a financer un rachat de licence de taxi.

Impayés. Redressement judiciaire de M et la banque assigne Mme en paiement des impayés qui invoque un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

La cour d’appel de Versailles déclare la demande de dommages-intérêts prescrite.

Mme se pourvoit en cassation au motif que la prescription ne court pas à dater de l’acte de prêt mais de la date d’exigibilité des sommes au paiement desquelles l’emprunteur n’est pas en mesure de faire face.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

«Vu l'article 2224 du code civil :
Il résulte de ce texte que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.
Pour déclarer prescrite la demande de dommages-intérêts, l'arrêt énonce que le délai de prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, que le dommage résultant d'un manquement au devoir de mise en garde se manifeste dès l'octroi du crédit, que le délai de prescription a commencé à courir dès la date de souscription du contrat, le 14 janvier 2013, et que la demande a été formulée pour la première fois le 8 février 2018.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Cette décision est importante mais classique. Le point de départ de la prescription d’une action en responsabilité pour indemnisation d’un dommage court du jour du dommage ou du jour auquel il a été révélé à la victime : Cassation civile1. 26 novembre 2014 – 13-27447 – 10 juillet 2014 – 13-15511 – en matière de TEG Cassation Civile 1. 16 avril 2015 – 14-17738 – pour un prêt in fine Cassation Civile 1. 26 Avril 2017 – 16-13196 –

La perte de chance qui en découle n’est pas liée à celle de ne pas contracter mais à celle d’éviter le risque qui s’est réalisé. Cassation commerciale 22 janvier 2020 – 17-20819 – Dans le cas d’un notaire voir Cassation civile 3. 28 janvier 2021 – 19-26044 –

L’arrêt est rendu au visa de l’article 2224 du code civil qui dispose «Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour ou le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l’exercer.»

La jurisprudence opère à la suite de cet article une distinction entre les emprunteurs avertis et ceux qui ne le sont pas.

Puisque désormais la caution bénéficie également d’une action à ce titre – Article 2299 du code civil – nous pouvons nous interroger sur le point de savoir s’il convient de traiter différemment le co emprunteur solidaire (comme en l’espèce ) et la caution ? Même si la caution bénéficie pratiquement des mêmes informations que l’emprunteur on peut légitimement penser qu’emprunter notamment pour un investissement professionnel requiert des compétences autres que pour se porter caution et donc une connaissance plus fine du risque et du moment du risque. Nous savons que la jurisprudence reconnaît au co emprunteur une action au titre du devoir de mise en garde : CA DOUAI 16 juin 2011 RG 10/05582 -

Alors quel serait le point de départ d’une telle action ? Le jour de l’impayé ? Ce jour ne coïncide pas avec la déchéance du terme qui est le véritable risque. La cour de Versailles autrement composée sera la cour de renvoi qui devra statuer sur cette question.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. première chambre civile, 5 janvier 2022, pourvoi n°20-18193. Publié au bulletin. L'essentiel du droit bancaire n°2 février 2022, page 2.