FAITS

Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 décembre 2019), la Société protectrice des animaux (la SPA), association reconnue d'utilité publique, dont l'objet social est la protection des animaux, a lancé une campagne nationale pour dénoncer la torture faite aux animaux dans le cadre de l'abattage, de l'expérimentation animale et de la corrida.
L'association La Manif pour tous (l'association LMPT), qui a pour objet la coordination d'actions de promotion du mariage homme-femme, de la famille, de la parenté et de l'adoption, a diffusé sur son site internet des « visuels » reprenant les codes et certains éléments de cette campagne, pour dénoncer la procréation médicalement assistée (PMA) sans père et la gestation pour autrui (GPA).
La Fondation [4], qui agit au profit des personnes atteintes de maladies génétiques, a également repris des éléments de cette campagne nationale sur son site internet, pour dénoncer l'avortement « tardif » et l'euthanasie.
A la demande de la SPA, un juge des référés a, notamment, interdit sous astreinte aux deux défenderesses de poursuivre l'utilisation des visuels litigieux, leur a ordonné la publication d'un communiqué sur leurs sites internet respectifs et a accordé à la SPA à titre de provision la somme de un euro de dommages-intérêts.
Considérant que ces faits étaient constitutifs de parasitisme, la SPA a assigné l'association LMPT et la Fondation [4] sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, aux fins d'indemnisation du préjudice en résultant.
L’association LMPT est condamnée par la cour d’appel de Paris à payer à la SPA la somme de 15 000 € en réparation du préjudice pour faits de parasitisme.
Elle se pourvoit en cassation au motif essentiel qu’une campagne à des fins politiques n’a pas pour finalité de tirer un profit économique d’une notoriété acquise ou des investissements.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION


« L'action en parasitisme, fondée sur l'article 1382, devenu 1240, du code civil, qui implique l'existence d'une faute commise par une personne au préjudice d'une autre, peut être mise en œuvre quels que soient le statut juridique ou l'activité des parties, dès lors que l'auteur se place dans le sillage de la victime en profitant indûment de ses efforts, de son savoir-faire,
de sa notoriété ou de ses investissements.
L'arrêt constate d'abord que la SPA, dont la notoriété est établie auprès du public français qui la place en troisième position des associations caritatives les plus connues, justifie d'investissements publicitaires pour une opération de communication dénonçant la maltraitance animale, qui a été relayée dans des médias nationaux, et ensuite que l'association LMPT et la Fondation [4] ont détourné ses affiches, sur leurs sites internet respectifs, pour traiter des causes qui leurs sont propres, quelques jours seulement après le lancement de la campagne nationale de la SPA.
En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a établi l'utilisation, par l'association LMPT et la Fondation [4], des outils de communication conçus et financés par la SPA, a pu en déduire, peu important la finalité de leurs campagnes respectives, qu'elles avaient commis des actes de parasitisme.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION


Voilà qui est dit. Pour mettre en mouvement une action pour parasitisme fondée sur l’article 1240 du code civil point n’est besoin de prendre en compte le statut ou l’activité des parties. Il suffit de se situer dans le sillage de la victime et de vouloir profiter indument de ses efforts, de son savoir-faire, de sa notoriété ou de ses investissements.
La cour de cassation avait déjà admis qu’il importait peu que l’auteur exerce dans le même secteur économique et que l’action en concurrence déloyale peut tout à fait prospérer dans une situation non concurrentielle: Cassation chambre commerciale 3 mai 2016 – 14-24905 et CA Paris 5e B 3 octobre 2002 Juris Data 2002- 191447.
L’algorithme conçu par Case Law Analytics dans sa modélisation du contentieux de concurrence déloyale permet de prendre en compte une situation de parasitisme hors de toute concurrence et donc de modéliser le risque pris par une personne qui se situe sciemment dans le sillage d’une autre.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics.

Source: Cass. Chambre Commerciale, 16 février 2022. Pourvoi n° 20-13542. Publié au bulletin