FAITS

Ayant décidé d'acquérir un terrain et d'y construire une maison individuelle, M. et Mme P... ont obtenu de la société Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud-Rhône Alpes un prêt dit d'accession sociale (PAS) afin de financer leur projet immobilier ; désireux de mener à bien ce projet sans attendre d'avoir vendu un bien immobilier dont ils étaient propriétaires, la Caisse leur a également consenti un prêt-relais, intitulé prêt habitat, d'un montant de 89 500 euros remboursable en une seule échéance à l'expiration d'un délai de 24 mois ; les emprunteurs ont recherché la responsabilité de la Caisse pour manquement à ses obligations de conseil, d'information et de mise en garde ; En cause d'appel, celle-ci a, à titre reconventionnel, demandé leur condamnation au paiement du solde dû au titre du PAS dont ils avaient cessé de rembourser les échéances ;

La cour d’appel de Grenoble condamne la banque et confirme la décision des premiers juges. La banque se pourvoit en cassation au motif que compte tenu des modalités de remboursement du prêt relais et de la valeur de l’immeuble il n’y avait pas lieu à mise en garde

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour condamner la Caisse à payer aux emprunteurs des dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde lors de l'octroi des deux prêts litigieux, l'arrêt retient que la Caisse n'a pas attiré leur attention sur le risque d'endettement résultant de la charge constituée par le remboursement du prêt-relais ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la vente du bien immobilier projetée par les emprunteurs devant permettre le remboursement du prêt-relais, ce dernier ne pouvait constituer une charge permettant d'apprécier l'adaptation de l'autre prêt aux capacités financières des emprunteurs et au risque d'endettement en résultant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Nous savons que le prêt relais, comme le prêt in fine (Cassation commerciale 16 juin 2009 – 08-11618 – 13 avril 2010 – 08-21334 – 30 novembre 2010 – 09-72504 – 18 janvier 2011 – 09-17425 ) est traité par la jurisprudence de façon relativement clémente : Cassation commerciale 17 septembre 2013 – 12-20512 – le moment doit bien évidemment être celui du contrat de prêt pour apprécier la faute éventuelle Cassation commerciale 28 mars 2018 – 16-25248 –  Cassation civile 1. 22 juin 2017 – 15-28649.

Avec cette décision la haute Cour confirme son approche selon laquelle le remboursement de la vente du bien immobilier doit être le seul critère à prendre en compte pour évaluer le remboursement du prêt adossé à l’opération de vente.

Il appartient aux cours d’appel d’apprécier l’évaluation du bien à vendre ainsi que le montant du prêt relais et c’est sur ce point que les banques peuvent être prises en défaut.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 1er juillet 2020, pourvoi n°18-19139

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