FAITS

La société Carrefour banque consent à M. Michel P un prêt personnel de 17 900 € au taux de 6,12 % remboursable en 84 mensualités constantes de 262,52 €.

Impayés. Première mise en demeure non suivie d’effets et déchéance du terme.

Jugement du tribunal d’instance de Senlis qui déboute M. Michel P de sa demande de nullité du contrat, constate la déchéance du terme, prononce la déchéance du droit aux intérêts et condamne Michel P à payer à la banque la somme de 16 814 €.

Michel P interjette appel entre autre pour manquement de la banque à son obligation de vérification de la solvabilité de l’emprunteur.

POSITION DE LA COUR D’APPEL

« En revanche, s' il est établi que lors de la souscription du contrat la SA Carrefour banque a fait remplir une fiche d'informations comportant les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur, elle ne peut sérieusement soutenir avoir examiné cette pièce avec l'attention qui peut être attendue d'un prêteur professionnel dans la mesure où ne figure aucune charge sachant que l'absence inexpliquée de cette information n'a pas pu lui permettre d'apprécier les capacités de remboursement de M. P.. Ce défaut d'attention du prêteur est d'autant plus démontré, que né le 1er avril 1945 il a déclaré un salaire net alors qu'il était à la retraite ce que ne pouvait ignorer la banque compte tenu de son âge.

En conséquence, à défaut pour la SA Carrefour banque d'avoir réalisé une réelle vérification des ressources et charges de M. P., elle lui a fait perdre une chance de ne pas souscrire ce prêt dont il n'avait pas l'utilité ni les besoins. Cette faute a causé un préjudice à M. P., que l'annulation du contrat déduction faite des sommes réglées, est insuffisante à indemniser. SA banque Carrefour est donc condamnée à payer une somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts à M. P. en indemnisation du préjudice subi en lien avec ses défaillances lors de la souscription du contrat.

Procédant par compensation il y a lieu d'ordonner la restitution par M. P. à la SA Carrefour banque d'une somme de 14 314 € (16 814 - 2 500). »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

La cour d’appel a appliqué la jurisprudence sur les anomalies apparentes lors de la vérification du déclaratif effectué par l’emprunteur.

Nous savons que par principe la banque n’a pas à vérifier les informations transmises par les cocontractants « sauf anomalie apparente ».

En cette matière voir avec profit en matière de chèques ; Cassation commerciale 17 juin 2020 – 18-18629, 27 novembre 2019 – 18-11439 ; en matière de disproportion de caution : Cassation commerciale 11 avril 2018 – 16-19348 ; en matière, de fonctionnement de compte voir Cassation commerciale 3 mai 2016 – 14-24598 -8 janvier 2015 – 1320088.

Elle le fait présentement en s’étonnant et en reprochant à la banque que celle ci n’ait pas été alertée par l’absence de charge et surtout par le fait qu’il déclarait un salaire et une fonction de salarié alors que la personne était âgée de 70 ans.

L’anomalie était effectivement apparente et aurait justifié une investigation plus poussée que le client était en droit de reprocher à la banque de ne pas l’avoir effectuée.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : CA Amiens 16 février 2021 RG 19/01657, L’essentiel du droit bancaire n°4 avril 2021 page 4.

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