FAITS

Ils sont relativement classiques : une relation professionnelle entre deux parties, des paiements, un compte qui ne fait pas l’accord des parties, la différence s’expliquant par le fait qu’un chèque adressé n’avait pas été encaissé et ne faisait donc pas partie du « compte » établi entre elles.

La question posée consistait donc à savoir si un chèque seulement adressé valait paiement.

La cour d’appel de Versailles le 26 septembre 2019 a jugé par l’affirmative et sa décision est proposée à la censure de la cour régulatrice au motif que la remise d'un chèque ne vaut paiement que sous réserve de son encaissement ;

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu l'article L. 131-67 du code monétaire et financier :
Selon ce texte, la remise d'un chèque ne vaut paiement que sous réserve de son encaissement par le créancier.
Pour retenir que la société TES avait payé la somme de 121 595,37 euros au titre du marché conclu avec la société G&S le 15 mai 2013, l'arrêt retient que la société débitrice produit l'intégralité des chèques qu'elle prétend avoir adressés à la société G&S et qu'elle justifie de leur débit sur son compte par ses relevés bancaires et que la société G&B ne conteste pas avoir reçu les titres de paiement, à l'exception d'un chèque de 6 061,32 euros qui était, en réalité, de 9 000 euros et dont le débit sur le compte du tireur était justifié.
En se déterminant ainsi, cependant que la remise d'un chèque ne vaut paiement que sous réserve de son encaissement, la cour d'appel qui n'a pas constaté que les chèques litigieux avaient été effectivement encaissés par la société G&B, a privé sa décision de base légale.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Nous avons du mal à comprendre la position de la cour d’appel de Versailles tant cette jurisprudence est établie depuis des décennies et inscrite dans le marbre de l’article L 131-67 du code monétaire et financier qui pose le principe de l’absence de novation du rapport initial par la simple remise d’un chèque ; cassation civile 1. 4 avril 2001 – 99-14927 – civile 3. 1 juillet 2009 – 07-19446 -

Cet article suspend l’extinction dudit rapport non pas à l’encaissement du chèque mais à son paiement.

La solution est logique tant les vicissitudes qui peuvent arriver au chèque sont nombreuses parmi lesquelles la perte, le vol, le détournement, la falsification, l’absence ou l’insuffisance de provision.

Le transfert immédiat de propriété de la provision a pour finalité la protection du bénéficiaire le temps de l’encaissement mais ne modifie pas cette règle rappelée par la cour régulatrice. Pour une application en matière de liquidation judiciaire voir Cassation commerciale 31 Mai 2005 – 04-12687 - 12 janvier 2010 – 08-20241 - CA Versailles 14 février 2008 – RG 06/07090.

Cette décision pour actualiser les références.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 4 novembre 2021, pourvoi n°19-26066, L'essentiel du droit bancaire n°1, janvier 2022, page 2.