FAITS

Une banque consent à une société deux prêts dont le terme était fixé au 20 juin 2011 et qui étaient garantis par le nantissement d’un contrat d’assurance sur la vie souscrit par M. T auprès de la société d’assurance de la banque.

Le 9 décembre 2009 l’emprunteur est placé en redressement judiciaire et bénéficie d’un plan de redressement qui prévoit le remboursement des créances de la banque en cent quarante quatre mensualités jusqu’au 30 juin 2023. Ce plan est résolu par jugement le 26 Mars 2013 et la liquidation judiciaire est prononcée.

Le souscripteur assigne assureur et banque soutenant que la garantie était arrivée à échéance le 30 juin 2011. De son coté la banque exerce son droit au rachat et l’assureur verse la valeur de rachat à la banque. La cour d’appel de Colmar le 28 novembre 2019 condamne la banque et l’assureur à payer au souscripteur la somme de 76 695,29 € au titre de la valeur de rachat ce que contestent banque et assureur au motif que le contrat de prêt s’éteint par le remboursement des fonds et non par l’arrivée du terme de la dernière échéance.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu les articles 1234 et 1185 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles 2355 et 2365 du même code :
Il résulte des deux premiers de ces textes qu'un contrat de prêt prend fin lors du remboursement des fonds prêtés, nonobstant l'existence éventuelle d'un rééchelonnement des échéances.
Selon les deux derniers, le nantissement est l'affectation, en garantie d'une obligation, d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens incorporels, présents ou futurs et, en cas de défaillance du débiteur, le créancier nanti peut attendre l'échéance de la créance nantie pour se faire attribuer la créance donnée en nantissement.
Il s'en déduit que, sauf volonté contraire des parties, le prêteur, bénéficiaire du nantissement d'un contrat d'assurance sur la vie donné en garantie du remboursement du prêt, a droit au paiement de la valeur de rachat tant que celui-ci n'a pas été remboursé.
Pour condamner la banque à payer au souscripteur la valeur de rachat du contrat d'assurance sur la vie, l'arrêt constate, d'abord, que les deux avenants n'indiquent pas la durée de la garantie, mais le terme des prêts garantis du 30 juin 2011. Il énonce, ensuite, que la clause selon laquelle « l'adhérent s'engage à reconduire ou à renouveler à l'échéance le contrat d'assurance-vie pendant toute la durée du prêt ou de l'ouverture de crédit » signifie que, dans le cas où le contrat d'assurance arrive à terme avant les contrats de prêt, la durée de la garantie doit être prorogée jusqu'au terme des contrats de prêt, mais non que, dans l'hypothèse inverse, la durée de la garantie est prorogée au-delà de la durée des prêts et que les avenants de mise en gage n'indiquent pas que la garantie devra être prorogée jusqu'au remboursement intégral des prêts. Il en déduit que les contrats de nantissement doivent être interprétés en faveur de celui qui s'est engagé et que leur durée était celle des prêts expirant le 30 juin 2011.
En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le prêt n'avait pas été remboursé à cette date, sans relever une volonté expresse des parties de mettre fin au nantissement avant l'exécution de l'obligation de remboursement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Sauf volonté expresse des parties des parties de mettre fin au nantissement avant l’exécution de l’obligation de remboursement celui ci ne s’éteint que par le remboursement du prêt auquel il est attaché. Nous sommes dans la situation d’une garantie réelle donnée par un tiers.

La Cour de cassation édicte une présomption de concordance d’échéances entre celle du contrat de prêt et celle de la garantie.

Elle le fait aux visas des articles 1234 et 1185 anciens et 2355 et 2365 actuel du code civil.

La banque avait mis dans le débat la clause selon laquelle  « l'adhérent s'engage à reconduire ou à renouveler à l'échéance le contrat d'assurance-vie pendant toute la durée du prêt ou de l'ouverture de crédit » que la cour avait interprété  de telle façon que cette clause ne signifiait pas que la garantie devait être prorogée jusqu’au remboursement intégral des prêts.

La chambre commerciale avait déjà jugé le 11 Avril 2018 – 16-26685 – que lorsque le contrat de gage ne prévoit pas de durée spécifique sa durée est «.nécessairement celle du prêt… ».

Elle confirme cette analyse dans l’hypothèse d'une garantie pour compte de tiers.

Heureusement la volonté doit être expresse. Cela va interdire le développement d’un contentieux trop nourri d’éléments factuels trop souvent difficiles à démêler.

Nous sommes bien dans l’hypothèse d’une interdépendance d’un ensemble contractuel. La garantie concourt bien à la réalisation d’une opération globale de financement et il n’y a rien de choquant à ce que le sort de la garantie suive celui du contrat principal.

Et à cet égard la cour régulatrice rappelle à juste titre que le contrat de prêt prend fin au remboursement des sommes prêtées.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Civ. 1ère 10 mars 2021, pourvoi n°20-11917, publié au bulletin, L’essentiel du droit bancaire n°5, mai 2021, page 1.