FAITS

La BRED consent à une société un prêt de 100 000 € le 28 novembre 2011. Par acte en date du 9 novembre 2011 M D s’était porté caution dans la limite de 60 000 € en garantie du remboursement de ce prêt. M D s’était antérieurement porté caution pour d’autres sociétés qui ont déposé leur bilan ainsi que la société ayant emprunté.

La banque assigne la caution qui invoque la disproportion de ses engagements.

La cour d’appel de Paris condamne M D par arrêt en date du 20 Novembre 2019 et il se pourvoit en cassation au motif essentiel que la disproportion s’apprécie à la date de chaque engagement et qu’en se fondant sur un document daté du 9 juillet 2010 pour apprécier le caractère disproportionné d’un acte en date du 9 novembre 2011 la cour d’appel a violé l’article  L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

«Il appartient à la caution, personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné de son engagement à ses biens et revenus, lors de sa souscription, d'en apporter la preuve.
L'arrêt relève que M. [D] verse aux débats un document daté du 9 juillet 2010 et intitulé « renseignements fournis à titre confidentiel », dont il résulte que ce dernier détient des parts sociales dans la société Marigny participations d'une valeur estimée à 4 000 000 euros et dans la société Idec d'une valeur estimée à 400 000 euros. Il retient encore qu'il n'allègue, ni n'établit, de modification de la valeur de son patrimoine mobilier depuis la date du document précité. Il constate enfin que la caution a également produit un état patrimonial daté du 20 novembre 2011, une liasse fiscale relative à l'exercice 2011, ainsi qu'un document attestant de ses charges locatives et des avis d'imposition personnelle pour les années 2010 et 2011. Après avoir analysé l'ensemble de ces pièces, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui ne s'est pas uniquement fondée sur une fiche de renseignements antérieure de plusieurs mois à la date du premier cautionnement et pourtant utilisée par la caution pour justifier de ses revenus et patrimoine, a retenu, en l'absence d'offre de preuve de sa part de la valeur de ses actifs aux dates où il s'est engagé, qu'au moment de leur souscription, les cautionnements souscrits pour garantir le remboursement des prêts consentis par la banque aux sociétés Aba Invest, Poincaré Invest et Longchamp Invest n'étaient pas disproportionnés à ses biens et revenus.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Cette décision non publiée est intéressante. La question soulevée par le moyen et la réponse donnée par la cour régulatrice sont inhabituelles.

La question centrale est celle de la preuve de la disproportion et la cour de cassation y apporte une réponse classique : «Il appartient à la caution, personne physique, qui entend se prévaloir du caractère manifestement disproportionné de son engagement à ses biens et revenus, lors de sa souscription, d'en apporter la preuve…»

Cette question ne fait plus débat tant les jurisprudences sont abondantes et univoques : Cassation Civile 1. 27 février 2007 – 05-19777 - Cassation commerciale 14 Octobre 2014 – 13-24358 – 13 septembre 2017 – 15-20294 – 15 Novembre 2017 – 16-22400 –

Rappelons qu’il appartient en revanche au créancier professionnel de rapporter la preuve qu’au moment ou la caution est appelée elle dispose des fonds suffisants : Cassation chambre commerciale 1 Avril 2014 – 13-11313 –

Sur le second point la solution est plus originale dans la mesure ou la cour régulatrice admet implicitement que la banque pouvait se fonder sur une fiche patrimoniale établie près d’un an avant la date de la signature de l’acte de caution. Elle l’admet dans la mesure ou la caution sur laquelle pèse la charge principale de la preuve ne démontrait pas la modification de son patrimoine. Elle note également que la cour ne s’est pas fondée «uniquement sur une fiche de renseignement antérieure».

Cette jurisprudence a néanmoins le mérite de mettre cette question dans le débat. Faut il une concomitance entre la fiche et l’acte de caution ? Non serait on tenté de dire puisqu’il appartient à la caution de rapporter la preuve de la disproportion et que la fiche versée aux débats par les banques ne sont là que comme « substitut » à la preuve que la caution doit apporter. La jurisprudence a rarement eu l’occasion de statuer sur cette question et quand elle l’a fait elle s’est montrée permissive : Cassation chambre commerciale 28 février 2018 – 16-24841 – censurant une CA qui n’avait pas admis une fiche de renseignement datant d’un an avant l’acte de caution.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Chambre commerciale, 24 novembre 2021, pourvoi n°20-12313. L'essentiel du droit bancaire n°1, janvier 2022, page 7.