FAITS

La société UTA a mis à disposition de la société de transports COUTEAUX-Les- CARS diverses cartes de paiement permettant les paiements de carburants, de péages autoroutiers et autres prestations diverses auprès des stations services, ces achats étant préfinancés puis facturés bimensuellement par la société UTA.

Vols dans les autocars des cartes de paiement. La société de transport refuse de s’acquitter des opérations postérieures au vol. La société UTA l’a assignée en paiement.

La cour d’appel de COLMAR le 10 Avril 2019 déboute la société UTA au motif que les sociétés telles qu’UTA sont assimilées aux entreprises relevant de l’article L. 521-1 du code monétaire et financier auxquelles s’appliquent les règles de responsabilité des articles L. 133-1 et suivants de sorte que la société UTA relève du régime de responsabilité prévu à ‘article L. 521-3 du code monétaire et financier.

La société se pourvoit en cassation au motif que les règles afférentes au monopole bancaire ne lui sont pas applicables.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu les articles L. 133-1, L. 133-19 et L. 521-3, I, du code monétaire et financier :
Si, selon le troisième de ces textes, par exception au monopole des prestataires de services de paiement, une entreprise peut fournir des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l'acquisition de biens ou de services, que dans les locaux de cette entreprise ou, dans le cadre d'un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement, ou pour un éventail limité de biens ou de services, cette entreprise n'appartient pas pour autant à la catégorie des prestataires de services de paiement, de sorte que, par application du premier de ces textes, les dispositions du deuxième ne lui sont pas applicables.
Pour rejeter la demande de la société UTA, l'arrêt retient que les dispositions de l'article L. 521-3 du code monétaire et financier, qui prévoient un régime dérogatoire à l'article L. 521-2, assimilent les entreprises qui sont soumises à ces dispositions aux entreprises relevant de l'article L. 521-1, auxquelles s'appliquent les règles de responsabilité des articles L. 133-1 et suivants, de sorte que, la société UTA relevant des dispositions de l'article L. 521-3 du code monétaire et financier, dès lors qu'elle fournit des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l'acquisition de biens ou de services, que dans le cadre d'un accord commercial avec elle, dans un réseau limité de personnes acceptant ces moyens de paiement ou pour un éventail limité de biens ou de services, cette société est tenue d'appliquer les dispositions des articles L. 133-1 et suivants du code monétaire et financier, et notamment celles de l'article L. 133-19 de ce code.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

La question posée à la Cour régulatrice est simple : l’article L. 133-19 du code monétaire et financier qui règlemente le régime de responsabilité des entreprises qui pratiquent cette activité est-il applicable aux entreprises qui en toute légalité proposent et gèrent ce type d’instruments de paiement ?

La cour d’appel avait répondu par l’affirmative et elle se fait censurer par la haute Cour.

Cette décision publiée, est importante car à notre connaissance c’est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur cette question du régime de responsabilité applicable à ce type d’entreprises et de situation et d’instrument de paiement.

Rappelons que cette règlementation fait suite à l’introduction dans notre droit de l’ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 qui libéralisait les services de paiement.

Ce seront donc les règles de la responsabilité contractuelle qui devront, selon toute vraisemblance, s’appliquer.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 30 juin 2021, pourvoi n°19-21418, publié au bulletin

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