FAITS

Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 28 janvier 2019) et les productions, par un acte authentique du 8 novembre 2011, M. Q... S..., agissant en qualité de gérant de la société civile immobilière de la Reine (la SCI), a affecté en garantie hypothécaire du paiement d'une somme dont il était débiteur envers la Caisse régionale de garantie des notaires du ressort de la cour d'appel de Nancy, aux droits de laquelle vient la caisse interdépartementale de garantie des notaires de Lorraine (la Caisse), un immeuble appartenant à cette société. L'acte authentique n'a pas constaté que la constitution de la garantie avait été prise avec l'accord du second associé.

Le 9 novembre 2011, M. X... S... a adressé au notaire, à l'invitation de ce dernier, une lettre indiquant qu'il donnait tous pouvoirs à son fils Q... S... pour la prise d'une hypothèque sur l'immeuble appartenant à la SCI pour garantir une dette personnelle de ce dernier.
Estimant une telle constitution contraire tant à son objet qu'à ses intérêts, la SCI a assigné la Caisse.

La cour d’appel prononce la nullité de l’acte d’affectation hypothécaire et la Caisse se pourvoit en cassation aux motifs :

– que les statuts autorisent un tel acte

– qu’en tout état de cause les actes du gérant l’engagent vis à vis des tiers

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

La sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d'un associé n'est pas valide dès lors qu'étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social. Il en est ainsi même dans le cas où un tel acte entre dans son objet statutaire.
Ayant constaté que l'immeuble donné en garantie d'une dette personnelle de M. Q... S... constituait le seul bien de la SCI, de sorte que cette dernière, qui ne tirait aucun avantage de son engagement, mettait en jeu son existence même, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, justifié sa décision d'annuler l'acte litigieux.
Le moyen, qui critique des motifs surabondants, est donc inopérant.

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Cet arrêt est la confirmation de la jurisprudence qui a vu le jour par la décision en date du 3 juin 2008 – 07-11785 – confirmée le 8 novembre 2011 – 10-24438 –  et le 23 septembre 2014 – 13-17347 – selon laquelle si l’engagement est tel qu’il est susceptible de mettre en jeu la survie de la société alors il est nul.

Pour la première chambre civile ce type de nullité est absolue Cassation civile 1. 18 octobre 2017 – 16-17184 – il ne peut donc être ratifié.

La nouveauté de cet arrêt est qu’il se situe postérieurement à la modification par la loi PACTE du 22 Mai 2019 de l’alinéa 2 de l’article 1833 du code civil qui ne permet plus de sanctionner par la nullité ce type d’acte.

Cette loi est entrée en vigueur le 24 mai 2019 et on peut se poser la question de son application pour les suretés constituées après cette date.

L’argument n’était pas dans le débat et le juge n’a pas considéré qu’il faisait partie de son office.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 6 janvier 2021, pourvoi n°19-15299, Bulletin d’actualité des greffiers, février 2021 n°149

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