FAITS

Deux époux empruntent à une banque deux crédits immobiliers pour une somme totale de 400 000 Francs suisses, remboursables en 180 mensualités constantes au taux nominal de 3,660 % variable sur un index Libor 3 mois. Estimant que le taux de référence était devenu négatif, les emprunteurs ont saisi la banque pour obtenir que le taux soit révisé et celle ci n’ayant pas donné suite ils l’ont assigné devant le tribunal de grande instance de Mulhouse pour obtenir sa condamnation en prenant en considération les valeurs réelles de l’index Libor.

Les premiers juges ont condamné la banque en prenant en compte les valeurs réelles de l’index Libor trois mois en motivant leur décision sur le fait que les contrats de prêt prévoyaient explicitement la possibilité d’un taux variable à la hausse comme à la baisse.

La banque s’est pourvue en cassation.

Découvrir Case Law Analytics

POSITION DE LA COUR D’APPEL

« Cela étant, il n'apparaît pas que les parties avaient entendu déroger à l'application des dispositions du code civil, et plus particulièrement des articles 1902, 1905 et 1907 dudit code, dont il résulte que dans un contrat de prêt immobilier, comme celui en cause en l'espèce, l'emprunteur doit restituer les fonds prêtés dans leur intégralité, les intérêts conventionnellement prévus étant versés à titre de rémunération de ces fonds et le prêteur ne pouvant être tenu, même temporairement, au paiement d'une quelconque rémunération à l'emprunteur, ce pendant que l'article L. 313-1 du code monétaire et financier définit le prêt comme une opération de mise à disposition de fonds à titre onéreux au bénéfice du prêteur.

Dans ces conditions, la banque était en droit de veiller à ce que l'application au prêt litigieux d'un taux d'intérêt indexé au taux Libor 3 mois au jour le jour à sa valeur réelle, ne puisse conduire à des intérêts mensuellement négatifs, ce qui l'autorisait à appliquer un taux d'intérêt plancher nul lorsque l'application du Libor conduisait à l'application d'une échéance mensuelle d'intérêts négative.

Pour autant, ainsi que cela apparaît désormais admis par la banque, ce taux plancher s'applique au taux d'intérêt résultant de la différence entre le taux initial et l'index Libor courant, et non à l'index Libor lui-même, et il n'implique, en conséquence, aucunement que la base de calcul du taux soit modifiée par l'application d'un index Libor nul, pas davantage qu'il ne garantit de rémunération incompressible de la banque à hauteur d'un taux strictement supérieur à 0 % pour chaque échéance mensuelle ... »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Message reçu 5/5 par la cour d’appel de COLMAR des arrêts de la Cour de cassation en date du 25 Mars 2020 – 18-23803 et du 10 mars 2021 – 18-24699.

La même cour d’appel avait jugé le 8 Mars 2017  RG 16/00310 en condamnant la banque à l’application d’un taux négatif.

Dans notre arrêt, la cour d’appel de COLMAR juge que si les parties n’ont pas entendu explicitement déroger à l’application des dispositions du code civil et du code monétaire et financier, le taux négatif ne peut s’appliquer et entraîner une éventuelle restitution des intérêts trop perçus et la condamnation de la banque à payer des intérêts négatifs aux emprunteurs.

Les visas sont strictement identiques à savoir 1902, 1905, 1907 du code civil et L 313-1 du code monétaire et financier.

La cour valide la position de la banque qui avait appliqué un taux plancher en deçà duquel il ne pouvait s’appliquer. Elle tente d’expliquer sa position en jugeant que le taux plancher s’applique au taux mais pas à l’indice... distinguo subtil qui permet à la cour d’appel de rester dans l’épure des arrêts fondateurs qui demande un engagement express.

A suivre la jurisprudence des autres cours…

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : CA Colmar 30 avril 2021, RG 18/1446, L’essentiel du droit bancaire n°7, juillet 2021 p.4

Crédit photo : Attribution-ShareAlike 4.0 International (CC BY-SA 4.0)

Réserver une démonstration