FAITS

Ils sont simples. Un crédit immobilier. Des impayés. Une déchéance du terme. Une assignation devant le JEX et un emprunteur qui sollicite l’annulation de la déchéance du terme au motif que la banque ne rapporte pas la preuve de la réception de la LRAR qui n’était pas signée de l’emprunteur.

La cour d’appel d’Aix en Provence le 20 juin 2019 déboute l’emprunteur qui se pourvoit en cassation.

Son argumentation réside dans le fait qu’il appartient à la banque de démontrer que l’avis de réception de la lettre de notification de la déchéance du terme avait été signé par l’emprunteur ou un mandataire ayant reçu procuration et qu’en jugeant le contraire la cour a inversé la charge de la preuve.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« L'arrêt constate que la banque a adressé à l'emprunteur deux mises en demeure, par lettres recommandées des 9 décembre 2016 et 3 janvier 2017, et lui a notifié la déchéance du terme par lettre recommandée du 13 mars 2017, que ces lettres ont été expédiées à son domicile, que, si les signatures apposées sur les accusés de réception ne correspondent pas à celle de l'emprunteur, celui-ci n'établit pas l'absence de mandat donné aux signataires. Il ajoute que l'emprunteur a été en possession de la lettre de déchéance du terme qu'il a versée aux débats et qu'il y a répondu en sollicitant un délai pour régulariser sa situation.
De ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a retenu à bon droit que la déchéance du terme était régulière et que la banque justifiait d'une créance exigible. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Voilà une décision que les créanciers vont apprécier même si nous pensons qu’elle doit être prise avec prudence.

Le bénéfice du terme est une protection importante pour l’emprunteur puisque seule cette clause l’autorise à rembourser sa dette par mensualités ou trimestrialités.

De ce fait la déchéance du terme doit être manipulée avec beaucoup de précaution par le créancier et doit être explicite. En règle générale elle s’accompagne d’une mise en demeure de régler le ou les échéances impayées sous un certain délai et c’est ce délai qui est important.

Nous savons depuis peu que la mise en demeure n’est pas un acte de nature contentieuse et qu’à ce titre elle n’est pas soumise aux règles des articles 665 à 670 du CPC : Cassation civile 1. 20 janvier 2021 – 19-20680.

En l’espèce c’est la question de la preuve de la réception de cette lettre de déchéance du terme qui était dans le débat. L’avis de réception ne semblait pas signé de l’emprunteur qui arguait de ce fait pour en demander l’annulation alors que la cour d’appel et à sa suite la Cour régulatrice jugent le contraire. Il appartient à l’emprunteur en l’espèce de rapporter la preuve de l’absence de mandat du réceptionnaire.

Cette position peut sembler passablement abrupte pour l’emprunteur notamment dans le rapport d’une preuve négative comme celle en question.

Pour autant dans notre affaire deux mises en demeure avaient été adressées préalablement, la lettre de déchéance du terme qui avait été adressée à son domicile et cette lettre a été versée aux débats par l’emprunteur qui reconnaissait ainsi l’avoir reçue. Même si l’article 670 du CPC n’est pas visé il est évident qu’il innerve la décision. Il dispose que «La notification est réputée faite à personne lorsque l’avis de réception est signé par son destinataire. La notification est réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l’avis de réception est signé par une personne munie d’un pouvoir à cet effet ».

Pourtant quelque part la Cour de cassation renverse un peu la charge de la preuve de ce fait juridique. Pour cette raison elle relève tous les éléments de fait qui prouvent ou laissent présumer la réception.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique chez Case Law Analytics

Source : Cass. Civ. 1ère17-02-2021, pourvoi n°19-21615, L’essentiel du droit bancaire n°4, avril 2021, page 7.