FAITS

Une banque allemande consent un prêt de 97 millions d’euros à différentes sociétés  co-emprunteuses solidaires, ultérieurement absorbées et appartenant toutes au même groupe.

Dans le même temps une société signe un acte de garantie à première demande.

La banque sollicite le paiement de cette garantie en vain et assigne ladite société en paiement. Les sociétés emprunteuses interviennent volontairement à l’instance invoquant la nullité de la convention de crédit pour défaut de cause.

Elles sont par la suite placées sous sauvegarde, la banque déclare sa créance, laquelle est contestée et le juge commissaire s’estime incompétent pour statuer.

La cour d’appel de Paris le 13 mars 2019 juge que l’on se trouve en présence d’une garantie autonome et condamne la société signataire qui se pourvoit en cassation.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu l'article 2321, alinéa 1er, du code civil :
Aux termes de ce texte, la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant les modalités convenues. Il en résulte que le garant s'oblige à payer la dette d'un tiers de manière autonome au regard du contrat de base et que son obligation a un objet distinct de celle du débiteur principal.
Pour condamner la société JJW Limited à payer à la banque la somme de 22 091 922,13 euros, l'arrêt, après avoir reproduit la clause par laquelle cette société s'engageait pour « toute somme que le bénéficiaire peut réclamer jusqu'à un montant maximum égal au total des sommes échues et payables tel que défini par la convention d'ouverture de crédit au moment de la demande en paiement visée par la garantie », retient que les parties sont des commerçants avisés et sont convenues, par une convention dépourvue d'ambiguïté, excluant toute interprétation du juge, d'une sûreté reconnue par la loi française à laquelle elles se sont soumises, laquelle ne distingue pas selon l'objet de la garantie, et retient que la liberté contractuelle s'oppose à la qualification de cautionnement.
En statuant ainsi, alors qu'il résultait du libellé de la clause litigieuse que l'obligation de la société JJW Limited avait le même objet que celle des sociétés JJW Luxury Hotels, Amarante et Median, co-emprunteurs solidaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

L’objet du contrat de prêt et de la garantie étant identique il ne peut s’agir que d’un cautionnement.

L’arrêt est rendu au visa de l’article 2321 du code civil qui définit la garantie autonome comme :

«La garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant les modalités convenues.
Le garant n'est pas tenu en cas d'abus ou de fraude manifeste du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre.
Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie.
Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie.»

Comme la pratique mélange allègrement et souvent volontairement les deux concepts il appartient au juge de donner son véritable sens à l’acte : CA Paris 6 juillet 2001 – D 2001 Jp page 2820.

La caution suppose la subsidiarité et cela doit apparaître dans l’acte : Cassation commerciale 28 janvier 1992 GP 1992 page 276. Même si l’acte stipule un paiement à première demande : Cassation commerciale 10 Mai 1994 Dic per Aff Bulletin 388 ; Cassation commerciale 13 décembre 1994 Dalloz 1995 Jp Page 209.

Une garantie même justifiée demeure autonome : Cassation commerciale 12 Juillet 2005 – 03-20364 – 12 juillet 2005 – 04-12733 – 5 octobre 2010 – 09-14673 -  2 octobre 2012 – 11-23401. Le juge des référés est compétent et il s’agit même d’une compétence naturelle : Cassation commerciale 12 Mars 2013 – 11-22048 – ce type de garantie n’est pas transmissible en cas de scission de la société bénéficiaire de la garantie : Cassation commerciale 31 Janvier 2017 – 15-19158.

La présente décision est dans le même sens qu’une précédente en date du 12 décembre 2018 – 17-12477 – ou les juges du second degré avaient suivi à peu près le même raisonnement que ceux de la cour d’appel de Paris.

Pour un essai de critères distinctifs voir avec profit : Cassation commerciale 30 janvier 2019 – 17-21279.

C’est donc bien l’objet d’une part du contrat de base et d’autre part de la garantie qui doit guider le juge dans la recherche de qualification. La garantie autonome suppose un objet totalement distinct de celui du contrat de base. Les termes «  en considération d’une obligation souscrite par un tiers… » employés par le législateur ne doivent pas nous induire en erreur et nous pousser à une interprétation admettant que la garantie autonome puisse reproduire l’objet du contrat de base. Cette référence au contrat de base nous rappelle les termes employés par le législateur pour définir l’opération de virement qui existe «  …indépendamment de toute obligation sous jacente …» Article L 133-3 du code monétaire et financier.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com 24 mars 2021, pourvoi n°19-14082, L’essentiel du droit bancaire n°5 mais 2021 page 7