C’est donc sur la quantification du risque en matière de contentieux de la contrefaçon de dessins et modèles que se sont penchées les équipes de CLA et de la société d’avocats avec comme chef de projet, Serge Lederman, avocat associé chez De Gaulle Fleurance & Associés et Marion Danaire, juriste-chercheur chez CLA. Maître Lederman revient ici sur cette aventure passionnante de co-développement avant le lancement le 3 juin de cette solution.

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Qu'est-ce qu'un co-développement ?

Un co-développement est protéiforme. Tout dépend des hypothèses de travail, mais pour être générique, c’est la réunion et la collaboration de deux expertises pour la réalisation d’un projet commun qui n’aurait pas nécessairement pu être développé, ou aussi bien développé, s’il avait été mené par une seule des deux parties. C’est aussi l’assurance de mieux réfléchir : chacun peut se nourrir des connaissances de l’autre et cela permet de trouver des solutions optimum qui correspondent aux résultats attendus par tous… Au-delà de l’aspect technique, un co-développement c’est souvent au départ la rencontre de personnes qui s’apprécient et qui ont une idée commune. C’est ce qui s’est passé avec Case Law Analytics.

LitiMark® et Litidesign® : d’outils statistiques à des solutions d’intelligence artificielle

Le co-développement de ces deux solutions avec Case Law Analytics s’est fait assez naturellement.

Il y a 3 ans, nous avons eu l’idée avec Julien Horn, avocat associé de De Gaulle Fleurance & Associés, de créer un outil innovant, en tout cas inédit, qui nous permette d’orienter nos clients dans le cadre de contentieux en cours ou potentiels. Il s’agissait d’un outil purement statistique qui s’appuyait sur plusieurs centaines de décisions françaises intervenues à partir de 2015, rendues en première instance et en appel, chacune étant analysée à travers plus de 70 critères. Pour LitiMark® qui concerne le contentieux de la contrefaçon de marques comme pour LitiDesign® qui porte sur celui de la contrefaçon de dessins et modèles, nous remplissions un tableau avec les critères déterminés pour chacun des outils. Il en résultait des statistiques sur le pourcentage de succès d’une action en contrefaçon selon tel ou tel fondement ou sur le montant moyen des condamnations prononcées. Ces résultats concernant des décisions rendues nous aidaient incontestablement à mieux nous projeter s’agissant des contentieux à venir et étaient donc déjà un outil d’aide à la décision.

Puis fin 2018, nous avons rencontré plusieurs sociétés et nous nous sommes rendus compte très rapidement que Case Law Analytics était la seule à concevoir une réelle solution d’intelligence artificielle et la seule en mesure de nous permettre d’ajouter un nouvel étage à notre fusée. Une relation de confiance s’est rapidement nouée avec Jacques Lévy Véhel qui a trouvé notre démarche intéressante et inédite car il n’avait encore jamais vu une société d’avocats faire la même chose. Il nous a expliqué comment, en co-développement avec Case Law analytics, faire de LitiMark® et LitiDesign® des solutions d’IA.

Du travail de co-développement au lancement du produit

Nous avons alors réfléchi à la façon de marier nos outils et à ce que nous devions affiner pour donner naissance à une solution efficace. Même s’il a fallu les retravailler et les compléter, nous avions déjà toutes les données. La connaissance du développement technique de l’IA d’un côté et toutes les données d’un grand nombre de décisions analysées mais aussi notre expérience des tribunaux et des clients de l’autre : l’avantage du co-développement entre nous était évident.

Nous avons eu plusieurs séances de discussion d’une ou deux heures. Nous avons ainsi ajusté ensemble certains des critères d’analyse des décisions, ce qui a nécessité de relire des décisions déjà analysées à chaque fois qu’un critère était ajouté.

Ce travail d’analyse des décisions, qui consiste à remplir un tableau contenant chacun des critères, est la tâche la plus ardue car si certaines données sont simples à trouver, d’autres le sont beaucoup moins car les juges n’explicitent pas toujours tous les éléments de leurs décisions. Nous avons donc créé une sorte de vade-mecum afin d’aider nos stagiaires et jeunes avocats qui avaient besoin d’être formés à l’analyse des décisions. Nous recherchons et analysons les décisions de première instance puis nous les envoyons à CLA qui effectue une seconde lecture grâce à sa grande puissance de vérification. CLA s’occupe en outre de l’analyse des arrêts rendus en appel.

Mais le travail peut-être le plus palpitant a été d’identifier ensemble les « entrées » et les « sorties ». Les « entrées » sont les informations renseignées par l’utilisateur concernant un contentieux existant ou potentiel. Il s’agit souvent d’options à cocher selon des menus déroulants qui guident ainsi l’utilisateur. Les « sorties » correspondent aux éléments essentiels contenus dans les décisions virtuelles fabriquées par les moteurs d’intelligence artificielle qui apprennent à raisonner grâce aux données que nous y avons intégrées.

Une première phase de test a été effectuée pour apprécier la cohérence des résultats obtenus et sans surprise, nous avons eu à faire des ajustements et de nouveaux tests avant d’entrer dans la phase d’exploitation.

Co-développer pour répondre aux besoins de nos clients

Le co-développement avec Case Law Analytics permet à notre société d’avocats d’afficher une vraie capacité d’innovation, c’est-à-dire une ouverture sur les nouvelles technologies pour offrir à nos clients un accès à une solution d’intelligence artificielle à valeur ajoutée. D’une façon générale, nous identifions avec eux leurs besoins, afin de créer les outils les plus adaptés pour y répondre et les aider dans leur travail au quotidien.

Nos clients veulent plus aujourd’hui qu’un avis purement juridique, ils veulent que leurs conseils connaissent parfaitement leur secteur, leur manière de fonctionner et leur proposent des outils opérationnels auxquels ils n’auraient pas pensé. Avec le co-développement, nous nous adaptons à eux.

Quand nous avons créé les outils statistiques LitiMark® et Litidesign®, c’était avant tout pour répondre aux clients qui nous demandaient leur chance de succès, le montant des condamnations éventuelles afin de provisionner au plus juste. Les outils d’IA ainsi créés nous permettent d’enrichir et d’objectiver les analyses et recommandations que nous apportons à nos clients à ce sujet.

Ce sont des outils d’aide à la décision exceptionnels à condition de les mettre entre les mains d’un professionnel qui a déjà une véritable expertise du sujet, laquelle lui permettra de choisir les bonnes « entrées » dans la machine puis d’interpréter, analyser, tempérer et affiner les résultats obtenus pour en retirer le meilleur. L’IA ne remplace pas l’avocat, elle est un moyen supplémentaire au service de sa capacité d’analyse et de conseil.

Le co-développement crée une ouverture d’esprit

Le co-développement favorise l’ouverture d’esprit car il impose de raisonner sur son propre métier et sa manière de penser, d’expliquer.

La conception de LitiDesign® a ainsi donné lieu à des discussions enrichissantes et passionnantes car nous avons dû comprendre comment fonctionnait un moteur d’intelligence artificielle et comment le nourrir et avec quelles données. Celles que nous avions imaginées quand nous faisions simplement des statistiques étaient un peu différentes. En particulier, en propriété intellectuelle, il y a beaucoup de données subjectives. Or, un moteur a besoin de données objectives. Il est par exemple délicat de créer une « entrée » objective permettant aux juges virtuels d’apprécier l’originalité d’une œuvre qui conditionne sa protection par un droit privatif. Décortiquer le processus de justice est un exercice passionnant et ce co-développement a prolongé encore notre réflexion, tout comme celle de CLA.

Mon conseil pour se lancer dans un co-développement

Pour se lancer dans un co-développement, il faut d’abord avoir identifié des problématiques qui ne sont pas complètement résolues ou récurrentes et qui ne trouvent pas de solutions dans un outil existant. Puis, il s’agit de trouver le bon partenaire. Et enfin, pour réussir il faut s’investir, y croire, rester ouvert, essayer de comprendre son partenaire, travailler beaucoup tout en essayant de s’amuser.