FAITS

Une société prestataire de transport confie régulièrement ses remorques à une autre société pour des traversées maritimes entre l’Espagne et le Royaume Uni.

A la suite de plusieurs transports, des factures sont établies et ne sont payées que partiellement dans la mesure ou une retenue est effectuée correspondant à une créance invoquée au titre de dégradations causées à un camion au cours d’un transport réalisé par la société en charge des remorques. Assignée en paiement elle invoque reconventionnellement la compensation entre sa créance indemnitaire et sa dette au titre des factures. La cour d’appel de Paris le 14 décembre 2017 condamne la société ayant opéré la retenue au montant de celle-ci.

Elle se pourvoit en cassation au motif essentiel que le fait que la créance invoquée ait été de nature indemnitaire ne suffit pas en soi à la rejeter sans rechercher si les conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité étaient réunies et que le fait que ladite créance indemnitaire n’ait pas été reconnue n’est pas suffisant pour écarter la compensation.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Ayant exactement énoncé que la compensation légale ne peut s'opérer qu'entre des créances certaines, liquides et exigibles et relevé que la créance, de nature indemnitaire, invoquée par la société LKW Walter n'était admise ni en son principe ni en son quantum par la société LD lines, ce dont il résultait qu'elle ne présentait pas les conditions requises pour le jeu de la compensation légale, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par la première branche, a légalement justifié sa décision de rejeter l'exception de compensation légale. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Dès lors que la créance indemnitaire est invoquée au titre de la compensation elle doit avoir été reconnue dans son principe et dans son quantum par son débiteur pour être certaine, liquide et exigible.

Cela va de soi dès lors que nous sommes dans un schéma de compensation légale. La chose eût pu être différente si la compensation invoquée avait été conventionnelle.

Cette décision est importante car fréquentes sont les invocations de telles compensations dans des contrats de travaux, de transport comme en l’espèce, de prestations informatiques. Le moyen de la société déboutée consistait pour l’essentiel à prétendre que la nature de la compensation, contractuelle ou indemnitaire, importait peu et que l’article 1347-1 du code civil (anciennement 1289 et 1290) ne fait pas de distinction entre les natures de créances contractuelles ou indemnitaires.

La haute Cour ne l’entend pas ainsi et elle a raison. Dès lors qu’elle est indemnitaire, elle est soumise à une reconnaissance de faute, de causalité et de préjudice qui ne peut être que le fait d’une décision de justice ou d’une reconnaissance explicite de la part de son débiteur ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Pour une application identique en matière de clause pénale : voir Cassation commerciale 24 mars 2015 – 13-23791 – en matière d’indemnité de résiliation voir Cassation civile 3. 4 janvier 2006 – 04-18642.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique chez Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 6 janvier 2021, pourvoi n°18-15228, Bulletin d’actualités des greffiers n°150, mars 2021, p.10

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