FAITS

Une banque accorde un prêt destiné à financer la reprise d’un fonds de commerce. Ledit prêt est accordé à « l’EURL ILEVA en cours d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés représentée par Mme O ». Quelques mois après la même banque accorde un autre crédit à la société ILEVA. Mme O et son époux se portent cautions solidaires du remboursement de chacun des prêts.

La société est mise en liquidation judiciaire et Mme O en redressement du même nom.

La banque assigne Mr en paiement des sommes restant dues au titre des deux prêts.

La cour d’appel de METZ le 5 décembre 2019 condamne la caution qui se pourvoit en cassation sur différents moyens mais dont un seul retiendra notre attention et qui porte sur la validité du prêt accordé à cette société en cours d’immatriculation.

Sur ce point la caution prétendait que le crédit accordé à une société en cours d’immatriculation est nul de nullité absolue ce que la cour d’appel n’a pas admis jugeant au contraire que les emprunteurs avaient agi à l’évidence au nom et pour le compte de cette société en formation.

C’est également ce point qui fera l’objet principal du pourvoi.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu l'article 1842, alinéa 1, du code civil :
Selon ce texte, les sociétés autres que les sociétés en participation jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation.
Pour condamner M. [O] à payer à la banque une certaine somme au titre de son engagement de caution souscrit en garantie du prêt du 20 décembre 2012, l'arrêt, après avoir relevé qu'invoquant à son profit la nullité absolue du contrat de prêt, il faisait valoir que celui-ci avait été signé, non par une société en formation, mais par une personne morale inexistante, et qu'il n'avait, en tout état de cause, pas été repris par l'Eurl Ileva, retient que Mme [O] avait, à l'évidence, agi au nom et pour le compte de cette société en formation. Il relève également que l'Eurl Ileva, ainsi que les cautions, avaient, le 21 novembre 2013, signé un avenant au contrat initial stipulant que celui-ci « n'emportait aucune novation au contrat initial dont toutes les conditions non expressément modifiées, et notamment les garanties, demeuraient inchangées » et « lierait les deux parties lors de la signature de l'emprunteur et le cas échéant des cautions », ce dont il déduit que l'Eurl Ileva ayant, postérieurement à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, signé un acte emportant reprise du contrat initial, le moyen de nullité de ce dernier invoqué par M. [O] devait être écarté.
En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de prêt du 20 décembre 2012 avait été conclu, non pas au nom et pour le compte d'une société en cours de formation mais par la société elle-même, avant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, ce dont il résultait qu'il était nul pour avoir été conclu par une société dépourvue de personnalité juridique, et que l'avenant à ce contrat, qui, selon ses propres termes, n'emportait pas novation, n'était pas de nature à couvrir cette nullité absolue, la cour d'appel a violé le texte susvisé.»

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

L’arrêt est rendu au visa de l’article 1842 alinéa 1 du code civil.

L’article L 210-6 est son jumeau en matière de société commerciale.

La nullité absolue contrairement à la nullité relative ne peut être ratifiée. L’argument tenant à l’avenant qui se voulait salvateur n’a donc pas été retenu par la cour régulatrice.

C’est peut être de ce coté qu’il faut se poser la question car sanctionner par une nullité absolue une telle situation paraît un peu ubuesque. Le régime de la nullité relative semblerait plus approprié. Car il est exact que l’obligation souscrite était nulle comme souscrite par une personne juridique inexistante.

La chambre commerciale reste fidèle à sa jurisprudence : Cassation commerciale 13 Novembre 2013 – 12-26158 –

La cour d’appel de Metz s’était montrée pragmatique. Mal lui en a pris.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. chambre commerciale, 19 janvier 2022, pourvoi n°20-13719. L'essentiel du droit bancaire n°3, mars 2022, page 5.