FAITS

Ils sont relativement classiques : Une banque, une société, des crédits, une caution des impayés, une ordonnance d’injonction de payer, une opposition et l’affaire vient au fond ou la caution invoque le fait que l’acte détenu par elle ne correspond pas à la mention exigée par les textes puisqu’il y manquait le terme « caution ».

La cour d’appel de Limoges le 5 novembre 2019 met à néant l’ordonnance d’injonction de payer et annule la caution au motif que cet acte comportait une mention qui ne correspondait pas à celle requise par la loi.

La banque se pourvoit en cassation au motif essentiel mais implicite que le contrat de cautionnement est un contrat unilatéral et que le texte n’exige pas que la mention soit portée sur plusieurs originaux.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :
Aux termes de ce texte, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même. »
Pour mettre à néant l'ordonnance portant injonction de payer et prononcer la nullité du cautionnement, l'arrêt, après avoir relevé que l'acte produit par M. [A] comportait une mention manuscrite ne respectant pas le formalisme prévu par le texte précité, en ce que le mot « caution » en a été omis, et que cette divergence avec la formule légale affecte le sens et la portée de la mention manuscrite, retient qu'il importe peu que la banque détienne un autre exemplaire de l'acte qui comporte, cette fois, l'intégralité de la mention légale, dès lors que la mention est incomplète sur un des exemplaires et que la différence qui en résulte avec la mention légale est déterminante et n'a pas permis à M. [A] de prendre la pleine mesure de la nature et de la teneur de son engagement.

En statuant ainsi, alors que, le cautionnement étant un contrat unilatéral, un seul original était requis et que M. [A] ne contestait pas avoir écrit de sa main les mentions conformes aux prescriptions légales sur l'exemplaire original détenu par le créancier, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Voilà un débiteur de bien bonne foi qui ne contestait pas avoir écrit la formule requise de sa main.

C’est ce qui vaut la censure des magistrats de la Cour régulatrice. Car bien sur il s’agit d’un contrat unilatéral qui n’est donc pas soumis à la formalité du double mais qui a été reconnu par son débiteur. L’article 1375 du code civil consacre cette formalité du double dans les contrats synallagmatiques dont ne fait pas partie la caution.

Rares sont les décisions qui statuent sur cette problématique. L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 réformant le droit des suretés ne semble pas avoir modifié le caractère unilatéral de ce contrat.

Dans cette affaire c’est l’exemplaire détenu par la banque qui a fait foi et c’est celui qui n’a pas été contesté par la caution.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 2 juin2021, pourvoi n°20-10690, L’essentiel du droit bancaire n°8 septembre 2021, p.5

Crédit photo : Photo by MJ S on Unsplash