FAITS

Une banque consent à trois reprises différents crédits à une entreprise dont des crédits par caisse, de mobilisation et par billets.

Le dirigeant et une autre personne se portent caution et affectent hypothécairement un immeuble leur appartenant.

La société emprunteuse est déclarée en liquidation judiciaire et la banque fait délivrer un commandement de saisie immobilière et assigne les cautions en audience d’orientation.

Les cautions invoquent différents arguments et notamment le manquement de la banque a son obligation d’information annuelle des cautions et sollicitent que les paiements faits par le débiteur soient affectés prioritairement au paiement du principal de la dette.

La cour d’appel de Versailles le 28 Mars 2019 les déboute et elles se pourvoient en cassation au motif d’une part que le JEX est compétent pour statuer sur cette question et que la caution qui par la suite affecte un bien à la garantie de la dette est créancière de la banque au titre de son obligation d’information de l’article L 313-22 du code monétaire et financier.

Découvrir Case Law Analytics

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

« Vu les articles 1134, celui-ci dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 2015, devenu 2292, du code civil, et L. 313-22 du code monétaire et financier :

Il résulte de ces textes que, lorsqu'une même personne se rend caution personnelle des engagements d'un débiteur envers un établissement de crédit et lui affecte aussi un ou des biens en garantie hypothécaire de ces mêmes engagements, cet établissement lui doit l'information annuelle prévue par le dernier texte.

Pour rejeter la demande de M. [W] et Mme [H] tendant à voir juger que le FCT avait manqué à l'obligation d'information annuelle prévue par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et fixer la créance à la somme de 243 664,36 euros, l'arrêt, après avoir relevé que M. [W] et Mme [H] avaient consenti deux garanties distinctes en remboursement des crédits accordés aux sociétés Telstar Multimedia et CTP, à savoir un cautionnement personnel et solidaire et une sûreté réelle consistant en l'affectation hypothécaire au profit de la banque du bien saisi, retient que seule cette seconde garantie est mise en oeuvre dans le cadre de la présente instance. Il ajoute que les dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier relatives à l'obligation d'information annuelle des cautions s'appliquent aux cautionnements donnés par une personne physique ou une personne morale mais non aux sûretés réelles telles que la garantie hypothécaire, puisqu'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'implique aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'est dès lors pas un cautionnement, et en déduit que la banque n'était pas tenue d'informer annuellement M. [W] et Mme [H].

En statuant ainsi, après avoir relevé qu'en sus de l'affectation hypothécaire de l'immeuble, M. [W] et Mme [H] s'étaient rendus cautions personnelles des crédits consentis aux sociétés débitrices, de sorte que la banque était tenue à l'obligation d'information annuelle prévue par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé les textes susvisés.»

MISE EN PERSECTIVE DE LA DECISION

Eternel débat devant les juridictions en ce qui concerne les cautions qui affectent un bien à la garantie de leur signature.

Ce ne sont des cautions que si les actes et volontés sont distincts : sur cette question voir avec profit : CA Colmar 14 décembre 2020 RG 18/04426 ; Cassation commerciale 19 décembre 2018 – 17-20958 – Civile 1. 7 février 2006 – 02-16010 – Civile 3. 23 Mars 2017 – 16-10766 – toutes filles de la chambre mixte du 2 décembre 2005 – 03-18210 – qui avait posé en principe que l’affectation d’un bien à la dette d’autrui n’est pas un cautionnement.

Il en va différemment quand la personne qui affecte un bien se porte en sus, caution personnelle et en règle générale solidaire. Dans ce dernier cas elle prend un engagement personnel à garantir la dette d’autrui.

C’est ce qui a été jugé dans notre affaire.

La seconde affirmation de la Cour régulatrice porte sur l’obligation pour la banque d’informer cette caution au titre de l’article L 313-22 du CMF. Elle y apporte une réponse positive qui n’est que la conséquence de la figure juridique qu’elle avait précédemment qualifiée.

La sanction portait sur l’application distincte de la règle de l’imputation des paiements. Nous la voyons si peu invoquée qu’il faut rendre hommage aux avocats des garants. Surtout qu’elle est susceptible d’emporter des conséquences importantes jusqu’à faire disparaître ledit capital en cas de versements nombreux et importants. Sur cette question de l’imputation des paiements en cas de réalisation de gage : voir Assemblée plénière 6 novembre 2009 – 08-17095.

Sur une hypothèse quelque peu différente d’imputation des paiements sur une dette partiellement cautionnée voir Cassation commerciale 13 Avril 2010 – 09-12192.

Le projet d’ordonnance sur les suretés envisage de conserver cette règle posée par la chambre mixte tout en faisant bénéficier la caution de certaines règles protectrices issues du code civil ou du droit consumériste ( C.Civil art 2325 mod par projet ord.Art 6,1).

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 2 juin 2021, pourvoi n°19-20140, publié au bulletin, L’essentiel du droit bancaire n°7 juillet 2021 p.5

Découvrir Case Law Analytics