FAITS

Ils sont classiques et bien connus des banquiers. Un crédit accordé à une entreprise garanti par la caution d’un sieur x gérant. Redressement puis liquidation judiciaire de la société et la banque assigne la caution qui invoque la disproportion de son engagement.

La troisième chambre de la cour d’appel de Rennes le 28 janvier 2020 déboute la caution et la condamne au paiement de la somme de 270 000 €

La caution se pourvoit en cassation au motif principal que la banque aurait dû être alertée par la déclaration de revenus de ladite caution à concurrence de la somme de 72 000 € comme ne pouvant provenir que des revenus escomptés de la création de l’entreprise.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

«En premier lieu, après avoir relevé que la fiche patrimoniale signée par M. [X] ne précisait pas que la somme de 72 000 euros mentionnée au titre des revenus annuels de ce dernier correspondait à des revenus escomptés de l'opération financée, l'arrêt retient qu'il n'est pas justifié que la banque ait pu douter de la réalité de cette mention.

En second lieu, l'arrêt retient, par des motifs qui ne sont pas hypothétiques, qu'à supposer que la mention relative aux 72 000 euros fût inopposable à la banque, M. [X] disposait, en tout état de cause, au moment de son engagement de revenus proches de cette somme pour avoir déclaré, pour l'année 2006, des revenus imposables à hauteur de 62 234 euros, outre 3 412 euros au titre de sa rémunération pour des missions d'expertise. »

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Il appartient à la caution de prouver la disproportion de son engagement : Cassation commerciale 13 Septembre 2017 – 15-20294 -  12 Juin 2019 – 18-11067 -  21 Octobre 2020 – 18-25205.

Pour « contrer » cette preuve les banques ont pris la sage habitude de faire signer à leur caution une fiche patrimoniale (qui peut être dénommée également fiche d’information caution) précisant les actifs meubles et immeubles ainsi que les charges de celle-ci, le tout signé par la caution qui atteste la véracité de la déclaration.

La question qui se pose fréquemment en jurisprudence consiste à mettre en jeu la responsabilité de la banque pour ne pas avoir vérifié telle ou telle information. Il s’agit d’une question récurrente en droit bancaire dès lors que nous sommes sur du « déclaratif ».

Nous rencontrons cette problématique sur les oppositions sur chèques et la jurisprudence décide que la banque est juge de l’opposition et pas de sa réalité : Cassation Commerciale 9 juillet 2019 – 17-28949 – 8 octobre 2002 – 00-12174 – 16 juin 2015 – 14-13493.

Nous la rencontrons également sur la question des informations fournies pour l’obtention d’un prêt : Cassation commerciale 23 septembre 2014 – 13-20874 – cassation civile 1. 30 octobre 2007 – 06-1700 – 17 décembre 2009 – 08-12783 – 25 Février 2010 – 08-70072.

Dans ces domaines, soit directement par affirmation du principe (chèques), soit indirectement via le principe de loyauté dans les contrats (crédits), la banque ne peut être déclarée responsable que si elle n’a pas décelé des anomalies apparentes.

Autrement dit la banque qui s’engage sur la base de déclarations du client n’a pas à vérifier lesdites informations fournies sauf anomalie apparente ou flagrante.

Cette même jurisprudence existe en matière de fiche de dialogue prévue par l’article D 311-10-3 du code de la consommation : CA Orléans 14 Mai 2020 – RG 19/016931. En l’espèce la caution prétendait que les revenus déclarés (72 000 €) ne pouvaient que provenir des revenus escomptés de l’opération – dont on sait qu’ils ne peuvent être pris en compte – Cassation commerciale 4 juin 2013 – 12-18216 / 12-15518. La première chambre civile avait emboité le pas : Cassation civile 1. 3 juin 2015 – 14-13126 / 14-17203 – après avoir hésité ; 4 Mai 2012 – 11-11461. Elle reprochait à la banque de ne pas avoir vérifié ce point.

La Cour de cassation confirme la position des magistrats rennais qui avaient relevé que rien ne permettait à la banque de « …douter de la réalité de cette mention… ». Surabondamment la cour a relevé et la Cour de cassation aussi que la caution disposait de revenus autres pour une somme qui lui permettait d’honorer sa signature.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Com. 30 juin 2021, pourvoi n°20-14355, L’essentiel du droit bancaire n°9, octobre 2021, page 5