FAITS

La BNPP consent à une dame C un prêt de regroupement de crédits d’un montant de 33 000 € mentionnant son époux en qualité de co emprunteur. Quelques mois après cette dame est placée sous le régime de la curatelle et son époux est désigné curateur.

Après avoir prononcé la déchéance du terme la banque assigne en paiement M. et Mme C qui ont sollicité la déchéance de la banque au niveau des intérêts et les demandes formées contre M. C en qualité de co emprunteur ont été rejetées au motif que la preuve était rapportée par la production de documents qui indiquaient que l’information avait été délivrée par la banque.

Le co emprunteur se pourvoit en cassation essentiellement au motif que cette preuve à elle seule ne peut démontrer que la banque a rempli son obligation d’information.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

Vu les articles L. 311-6 et L. 311-19 du code de la consommation, alors en vigueur Il résulte du premier de ces textes que, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres lui permettant d'appréhender clairement l'étendue de son engagement et du second que lorsque l'offre de contrat de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur.

Ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE.
Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32).

L'arrêt de la Cour précise qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d'information européenne normalisée (point 29). Il ajoute qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu'il n'a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d'informations précontractuelles lui incombant (point 30). Selon le même arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 31).

Il s'ensuit qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que la signature par l'emprunteur d'une fiche explicative et de l'offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne et la notice d'assurance constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque et condamner l'emprunteur au paiement, l'arrêt énonce, par motifs adoptés, que celle-ci produit une fiche explicative et l'offre préalable de crédit, comportant chacune une mention pré-imprimée suivie de la signature de Mme C. par laquelle elle reconnaît avoir reçu la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne et la notice d'assurance et que ces mentions laissent présumer la remise de ces documents, en l'absence de tout autre élément produit par M. et Mme C. permettant de douter de leur remise ou de leur régularité.

En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

Cette motivation longue et ciselée tient à la nouvelle rédaction des arrêts mais aussi, dans cette espèce, à la volonté de la Cour régulatrice de dire l’état du droit en ce domaine. Elle se montre particulièrement didactique.

Elle l’avait déjà jugé en matière de fiche précontractuelle d’information : Cassation civile 1. 5 juin 2019 – 17-27066 – et en matière de bordereau de rétractation par un arrêt de la même chambre en date du 21 Octobre 2020 – 19-18971.

Dans notre espèce la Cour de cassation juge à l’identique en ce qui concerne l’offre préalable de crédit comportant une fiche d’information précontractuelle normalisée européenne et sa notice d’assurance.

La Cour de cassation n’apprécie guère que l’on « piège » le cocontractant par une clause générale indiquant qu’il a reçu telle ou telle information ou, par exemple dans le droit du cautionnement qu’il reconnaît connaître parfaitement la situation du cautionné : sur ce point voir Cassation civile 1. 16 septembre 2010 – 09-15058.

On sait que sur d’autres types d’obligations la jurisprudence se montre extrêmement rigoureuse sur cette pratique ;  cf la jurisprudence sur les attestations avant déblocage des fonds pour les crédits affectés CA Besançon 30 novembre 2016 RG 15/00814 ; Cassation civile I 1 juin 2016 – 15-18043 – 2 juillet 2014 – 13-16346.

En clair les banques devront appuyer ces éléments de preuve, par d’autres venus d’ailleurs….que du contrat lui même. Nous pensons à une attestation que la banque ferait signer ou à toute autre preuve de la connaissance de l’information querellée.

Les éléments extrinsèques ont de beaux jours devant eux.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique de Case Law Analytics

Source : Cass. Civ.1ère 8 avril 2021, pourvoi n°19-20890, L’essentiel du droit bancaire n°6, juin 2021 p.4