FAITS

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 28 mars 2019), par acte du 4 juin 2010, Mmes E..., épouse H..., K... H... et T... H... (les consorts H...) ont assigné J... R..., aujourd'hui décédé, en paiement de diverses sommes dues en vertu de deux reconnaissances de dette.

2. Un arrêt du 23 mai 2013 a condamné J... R... à payer à Mme E... la somme de 70 100 euros avec intérêts au taux de 10 % à compter du 10 mars 2007 et à Mmes T... et K... H... la somme de 323 630 euros avec intérêts au taux de 10 % à compter du 1er mars 2007.

3. Le 18 juin 2010, J... R... a cédé à M. N... des parts de la société civile immobilière du Prieuré (la SCI).

4. Par acte du 18 octobre 2016, considérant que la cession de parts sociales avait été passée en fraude de leurs droits, les consorts H... ont assigné M. N... sur le fondement de l'action paulienne.

La cour d’appel de Bourges le 28 mars 2019 déboute les demandeurs au motif de l’acquisition de la prescription.

POSITION DE LA COUR DE CASSATION

Vu les articles 1341-2 et 2224 du code civil, l'article 52 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 et le principe selon lequel la fraude corrompt tout :

6. Il se déduit de ces textes et de ce principe que, lorsque la fraude du débiteur a empêché les créanciers d'exercer l'action paulienne à compter du dépôt d'un acte de cession de parts en annexe au registre du commerce et des sociétés, le point de départ de cette action est reporté au jour où les créanciers ont effectivement connu l'existence de l'acte.

7. Pour déclarer l'action des consorts H... prescrite, l'arrêt retient que, le dépôt de l'acte du 18 juin 2010 au greffe du tribunal de commerce ayant eu pour effet de porter à la connaissance des tiers et de leur rendre opposable la cession des parts sociales, les consorts H... étaient en mesure de connaître, à compter de cette publicité, l'acte qu'ils prétendent être intervenu en fraude de leurs droits, peu important que J... R... ait tenté, tout au long de la procédure ayant donné lieu à sa condamnation, de dissimuler sa véritable adresse située à Achères, puis l'existence de biens appartenant à la SCI, à une autre adresse au sein de cette même commune.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la dissimulation de son adresse par J... R... n'avait pas eu pour effet d'empêcher les consorts H... d'exercer l'action paulienne avant d'avoir effectivement connaissance de l'acte de cession de parts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

MISE EN PERSPECTIVE DE LA DECISION

C’est une histoire de fraude dans la fraude que nous conte la haute cour.

Le fautif avait non seulement effectué une vente suspecte de parts de SCI – et la fraude paulienne se situait là - mais avait tout fait pour dissimuler sa véritable adresse puis l’existence des biens empêchant ainsi la mise en œuvre de l’action du même nom.

La haute cour casse l’arrêt de la cour d’appel qui avait jugé acquise la prescription alors que selon elle celle ci n’avait pu commencé à courir que du jour ou les plaignants ont été a même de connaître la fraude.

Source : CASSATION TROISIEME CHAMBRE CIVILE, 12 NOVEMBRE 2020, POURVOI N° 19-17156, PUBLIE AU BULLETIN ET I, Bulletin d'actualités des Greffiers, JANVIER 2021 N° 148 P 9.

Loïc Belleil, directeur de la recherche juridique Chez Case Law Analytics

Crédit photo : Daniel Vorndran CC-BY-SA (2014)